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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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exorbitante maigreur, dont l’un avalait des cailloux et faisait entrer par la bouche jusqu’au fond de son estomac un estramaçon d’acier tandis que l’autre absorbait, avec des grimaces de satisfaction qui secouaient de rire les panses environnantes, des étoupes enflammées.
    Quant aux femmes, elles ouvraient des yeux ébahis, remplis d’effroi et de curiosité, à la vue d’une bohémienne masquée de rouge, dont les splendides cheveux retombaient sur son manteau bariolé. Cette bohémienne disait la bonne aventure à qui voulait bien lui confier sa main.
    Mais le jeune duc d’Angoulême ne regardait ni la mystérieuse bohémienne au masque rouge, ni les deux géants maigres, ni le maître de ces bateleurs. Son regard s’était fixé sans pouvoir s’en détacher sur une jeune fille pauvrement vêtue, mais si jolie, si douce à voir et à entendre, qu’il lui semblait que l’une des saintes de la cathédrale s’était détachée des vitraux pour venir lui sourire. Elle était assise sur le devant de la misérable roulotte et, s’accompagnant d’une guitare italienne, chantait d’une voix mélancolique et pure qui allait à l’âme.
    Fut-ce hasard ? Fut-ce attirance magnétique ?… Les yeux de la jolie chanteuse adorable à voir dans sa pose craintive et fière à la fois, rencontrèrent les yeux du jeune seigneur. De ce regard datait l’amour de Violetta et de Charles…
    Lorsque les compagnons du duc d’Angoulême lui frappèrent sur l’épaule, il parut revenir d’un beau songe lointain. Il était là comme en extase. Et pourtant, l’enchanteresse vision avait disparu : la voix d’or s’était tue ; la petite chanteuse était rentrée dans l’intérieur de la roulotte.
    La troupe de bateleurs séjourna à Orléans jusqu’au jour où l’archiprêtre se plaignit au capitaine-chevalier du guet, lequel, sans autre forme de procès, accorda deux heures aux saltimbanques pour quitter la ville.
    Pendant ces journées, plus de vingt fois, Charles revit la jolie chanteuse aux yeux de violette. Vingt fois, il voulut s’approcher d’elle, et lui parler… pour lui dire quoi ? il ne savait pas. Jamais il n’osa…
    Violetta partie, le courage lui revint ; il se reprocha amèrement sa timidité, sans savoir qu’il n’y a pas de véritable amoureux qui ne soit épouvanté à la pensée de parler à l’adorée.
    Charles monta à cheval, parcourut tout un jour les environs d’Orléans fouilla la forêt de Marchenoir, poussa jusqu’à Vendôme et revint harassé, désespéré, tout mélancolique et tout soupirant. Le temps passa. Mais le temps, qui est un baume guérisseur pour les maux de l’âme, fut pour lui ce qu’est l’huile sur le feu. Cet amour grandit dans le silence ; l’image de Violetta vécut dès lors d’une vie intense dans la pensée du jeune duc.
    Tels étaient les souvenirs qui s’évoquaient dans l’esprit de Charles d’Angoulême à cette minute où il venait enfin d’être réuni à celle qu’il aimait. Ces souvenirs venaient de passer dans son imagination en scènes rapides. L’horreur des scènes affreuses de la place de Grève, la crainte de ce qui pouvait arriver dans l’avenir, cette sourde angoisse même qui s’était dégagée des mystérieuses paroles de Claude, tout cela disparut, il n’y eut plus de vivant en lui que la joie profonde, étonnée, ravie de pouvoir se répéter :
    — Elle est là, derrière cette porte… c’est bien elle qui est là !…
    Il entra, Violetta, à sa vue, se leva, fit deux pas rapides vers lui et lui tendit les mains en murmurant :
    — Vous voici donc, mon cher seigneur… je vous attendais…
    Elle était un peu pâle. Et dans ses grands yeux fixés sur lui, elle laissait éclater son amour et sa joie. Car Violetta ignorait qu’il fût mal d’aimer. C’était une fleur sauvage, avons-nous dit. Et tout naturellement, elle se tournait vers l’amour, qui est le soleil de cette fleur.
    Charles, ébloui, saisit une main de Violetta et la porta à ses lèvres, dans un geste plus courtois qu’ardent, mais qui lui permettait de cacher son trouble. Il palpitait. Il était tremblant et ne savait ce qu’il devait dire. Alors, dans une inspiration soudaine, il la conduisit au pied d’un grand portrait où souriait une femme aux traits empreints d’une douceur mélancolique et, simplement, il dit :
    — Ma mère…
    Violetta leva vivement les yeux vers le portrait, joignit les mains et dit :
    — Comme elle

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