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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Rien !… Je ne comprends pas ! fit Bussi-Leclerc. Enfin, peu importe. Tu as satisfait ton envie, c’est l’essentiel…
    — Pour quand le bourreau est-il prévenu ? demanda Maurevert en se calmant à cette pensée du bourreau.
    — Quand ? Après-demain soir ; notre grand Henri veut voir appliquer la question. Toi aussi, hein ?
    — Sans doute. J’accompagnerai le duc comme je l’accompagne partout. A quelle heure sera-ce ?
    — Mais vers les neuf heures. Après quoi notre duc s’ira coucher ; car il part le lendemain pour Chartres, avec une grande procession. Demain, il ne sera bruit que de cela dans Paris… Seras-tu du voyage à Chartres et de la belle procession ?
    Maurevert ne répondit pas à cette question : il balbutia quelques paroles d’adieu et se retira ; puis, une fois hors la Bastille, il prit aussitôt le chemin de Montmartre. Bussi-Leclerc demeuré seul haussa les épaules et grommela :
    — Le Pardaillan a dû l’étourdir d’insultes… comme il m’a étourdi, moi !… Oui, mais moi, je ne me laisse pas insulter… Pardieu, c’est bien sûr qu’il m’a pris en traître, au moulin… Je ne connaissais pas son coup… mais je le connais maintenant !…
    Bussi-Leclerc se coucha. Il paraît qu’il passa une mauvaise nuit, car trois ou quatre fois, il dérangea son valet de chambre pour se faire apporter du vin. Et à chaque fois, il demandait :
    — Dis-moi, as-tu jamais entendu dire que Bussi-Leclerc ait été désarmé ?
    — Jamais, monseigneur !…
    — A la bonne heure ! Sans quoi, je t’eusse coupé les oreilles.
    Le valet de chambre s’enfuyait épouvanté, non sans remarquer que son maître maugréait toutes sortes de jurons et malédictions. En effet, cette nuit-là, Bussi-Leclerc fit une effrayante consommation de
sang-Dieu
, de
mort du diable
de
tripes de Satan
, de
tête et ventre
, sans compter la consommation de vin. Le lendemain, il se leva de très bonne heure et son valet, qui l’habillait, l’entendit grommeler :
    — Oui, mais s’il meurt avant, il n’en sera pas moins établi que j’ai été vaincu. Je suis perdu de réputation. Autant crever au coin d’une borne que de continuer à vivre avec cette pensée qui m’assassine de rage. Et tous ces freluquets qui me regardent en souriant depuis l’affaire du moulin !… Enfin !… S’il meurt avant, je n’ai plus qu’à me jeter à l’eau !
    Bussi-Leclerc passa toute cette journée dans la galerie d’armes qu’il venait de faire installer dans son appartement de la Bastille et qui était la plus belle qu’on eût vue depuis celle que Charles IX avait agencée autrefois dans son Louvre. Il fit venir successivement les prévôts et les maîtres les plus réputés de Paris. A tous, il disait :
    — Je vais vous montrer le coup ; je l’ai étudié ; je le tiens. Vous allez voir…
    Et en effet, à peine, prévôt ou maître, l’adversaire était-il en garde, que Bussi, après quelques passes rapides, lui faisait sauter l’épée des mains. Ce jour-là, la renommée de Bussi-Leclerc fut à son apogée.
    Parmi les spadassins, bretteurs, ferrailleurs et traîneurs de rapière, le bruit se répandit que le célèbre maître ès armes offrait soixante doubles ducats à qui le toucherait une fois ou le désarmerait. Il en vint cinq ou six qui passaient pour tuer leur homme du premier coup. L’escrime italienne et l’escrime espagnole, tout l’art des
imbroccata
, et des
punto riverso
, l’escrime française et même des escrimes inconnues pratiquées dans les bouges à truands où l’on apprenait à assassiner, toutes ces escrimes furent représentées en cette joute mémorable.
    Ce fut un merveilleux spectacle. Bussi-Leclerc, successivement, se battit contre une quinzaine de maîtres, prévôts ou spadassins réputés. Aucun ne le toucha. A tous, avant d’engager l’épée, il montra par quelle savante et simple manœuvre il allait les désarmer ; et tous, bien que prévenus, furent désarmés.
    Une foule de gentilshommes accourus assistèrent à cette fameuse passe d’armes. Le soir, Bussi-Leclerc fut proclamé le maître des maîtres.
    — Oui, dit Maineville, mais en somme, tu fus désarmé un jour.
    — C’est vrai, dit Bussi-Leclerc en grinçant des dents ; mais celui qui m’a désarmé ne pourra jamais s’en vanter.
    La nuit vint. Leclerc dîna sobrement, puis dormit quatre heures. Puis il se fit masser et frotter d’huile comme les lutteurs antiques. Puis il demeura

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