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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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présent disparut, s’évanouit comme une ombre ; et ce fut le passé qui, d’ombre évanouie, se fit réalité dans son imagination.
    Il revécut la terrible scène évoquée par la Roussotte. Il n’y eut plus autour de lui ni auberge, ni fantastique palais de la Cité, ni Fausta, ni Charles d’Angoulême, ni la Roussotte, ni la Pâquette, ni ce jeune homme aux yeux pâles qui écoutait…
    Il y eut Catho, la rude et tendre Catho, morte en le sauvant. Il y eut son père, l’aventurier des vieux âges, corps de fer, âme d’enfant. Il y eut la grande fournaise de Paris embrasé d’incendies, rouge de sang et de flammes ; il y eut la bataille suprême dans l’hôtel de Montmorency, la mort du vieux sur la butte Montmartre ; et brusquement, de tous ces fantômes évoqués, un seul demeura debout dans sa pensée : le fantôme de Loïse… Loïse vivante et souriante sur les ruines de sa vie. Et il s’aperçut que sa vie s’arrêtait là… là ! à la mort de Loïse…
    Et cette sensation qu’il était mort, qu’il n’était plus qu’un corps sans âme, une apparence, lui fut si terrible, si poignante, si vraiment affreuse, que pour la première fois il éprouva le découragement final, qu’il se jugea insensé de s’obstiner à vivre et qu’il souhaita la mort.
    Il rouvrit les yeux. Ces yeux étaient hagards et firent peur aux deux femmes. Il se mit à rire. Ce rire fit frissonner Charles. Et Pardaillan, se tournant vers le jeune homme noir aux yeux pâles, fit d’une voix qui l’étonna lui-même, car lui-même ne reconnaissait pas sa propre voix :
    — Eh ! monsieur… voulez-vous gagner les cinq mille ducats d’or ?…
    L’inconnu redressa la tête, s’approcha, s’assit près du chevalier, et répondit :
    — Non, monsieur, car plutôt que de vous dénoncer et de vous livrer, je me couperais la langue avec les dents, et si mon cœur pouvait concevoir cette trahison, je fouillerais ma poitrine de mes mains pour m’arracher le cœur… m’entendez-vous, monsieur de Pardaillan ?…
    A ce nom ainsi prononcé, la Roussotte et Pâquette jetèrent un cri. Pâquette courut à la porte et la ferma vivement. Charles, qui s’était levé d’un bond, se rassit alors. Pardaillan passa les deux mains sur son front, comme pour faire fuir cette fantasmagorie mortelle où il venait de s’enliser. Les deux femmes palpitantes le considérèrent, les mains jointes, et murmurèrent :
    — C’est lui !…
    Tous ces mouvements et gestes eurent la durée d’un éclair.
    — Qui êtes-vous, monsieur ? demanda le chevalier. Comment me connaissez-vous ? Et pourquoi, me connaissant, n’obéiriez-vous pas à l’ordre crié ?
    — Regardez ces deux femmes, monsieur de Pardaillan, répondit l’inconnu. Ce sont des ribaudes, et je ne les offense pas en le disant. Ce sont de pauvres tenancières d’une auberge à écoliers ; cinq mille ducats seraient pour elles la fortune. Pourquoi ai-je lu sur leurs visages qu’elles mourraient plutôt que de trahir Pardaillan ?…
    — Parce que les ribaudes et les pauvres gens l’aimaient ! dit la Pâquette.
    — Parce qu’il n’eut jamais un mot de mépris pour la ribaude qui le soir se traîne au long des rues noires, à la recherche d’un peu de pain contre un peu d’amour qu’elle offre, dit la Roussotte.
    — Parce que maintes fois sa rapière mit en fuite le guet qui emmenait quelque hère à la prison, reprit Pâquette.
    Et la Roussotte ajouta :
    — Parce que Catho disait : « Il est l’ami de tout ce qui pleure ; il a un sourire toujours et souvent un écu pour consoler une misère. Il parle rudement aux forts et doucement aux faibles. Sa main est de fer pour nos seigneurs et maîtres qui nous pillent, nous saignent et nous pendent. Sa main est une caresse pour ceux qui vont, la nuit, sans gîte et sans espoir. » Oui, Catho nous dit cela quand elle réunit toutes les pauvres ribaudes, vieilles et jeunes. Et tout ce qui avait souffert se rua sur le Temple pour délivrer l’ami de ceux et de celles qui pleurent… Et maintenant que je vous vois, ô monsieur… comme je suis heureuse d’avoir été de celles qui marchèrent sur le Temple ! Car, vrai Dieu, cela se voit à vos yeux et à votre figure que vous êtes resté l’ami de tout ce qui pleure…
    Pardaillan regarda la Roussotte. Elle était comme rajeunie et transfigurée. Elle était belle, la ribaude vieillie, de toute la beauté de sa pauvre âme ignorante et simple. Elle

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