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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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troupe, d’abord timide, devint brave, puis enragée ; Croasse se mit à bondir, piqué ici d’une pointe de lardoire, assommé là d’un coup d’escabeau, recevant enfin une de ces abominables raclées que le destin lui avait assignées pour sa part dans l’existence. Enfin, ayant aperçu la porte ouverte, il se rua dans la grande salle, où toute la meute hurlante et gesticulante s’engouffra comme un ouragan. Mais déjà Croasse avait bondi sur le perron dans la rue, et il détalait avec une rapidité qui, grâce à ses immenses jambes, rendait toute concurrence impossible.
    Lorsque, après deux heures de course, de détours et de contremarches, il s’arrêta enfin, épuisé, endolori, dolent et misérable, il vit qu’il faisait presque nuit. Il s’accota sous un auvent, et se voyant seul au monde, pauvre, sans une obole, les bras et les reins moulus, il pleura.
    « Ah ! maudite bravoure ! songea-t-il, que maudite soit l’heure où j’ai appris que je suis brave ! J’étais si tranquille quand je me croyais poltron !… Que faire maintenant ? Que devenir ?… »
    Ayant ainsi proféré des plaintes légitimes, Croasse aperçut tout à coup à ses pieds un chien qui haletait en tirant une langue longue d’un pied. Croasse frémit. Car il reconnut ce chien !… C’était celui de l’auberge !… Mais comme le chien ne paraissait pas disposé à le mordre, il se baissa et le flatta : le chien remercia en remuant ce qui lui restait de queue. Ce chien, c’était en effet Pipeau.
    Pipeau avait quitté la
Devinière
à la suite de Croasse et avait galopé sur ses talons. Pipeau était en effet un chien très raisonneur. Or, dans la raclée qui avait été administrée à l’infortuné Croasse, maint coup de manche à balai s’était égaré sur l’échine du chien. Et cela d’autant mieux que l’une des servantes qu’il avait mordue un jour, lui avait gardé une rancune féroce et avait profité de la bagarre pour se venger avec usure.
    Pipeau, donc, s’était dit avec quelque apparence de raison que sa maîtresse étant disparue, tous ces bruits qu’il avait entendus dans la rue et dans l’auberge signifiant sans doute une catastrophe, les coups qu’il recevait étant probablement un congé en bonne et due forme, l’existence dans la
Devinière
allait devenir pour lui un véritable enfer. Il avait fui. Et naturellement, il s’était attaché aux pas de cet homme qui fuyait comme lui.
    Croasse, ayant jugé que l’ennemi était dépisté, se remit en route. Le chien se leva et suivit, tête basse. Où allait Croasse ? Vers quels quartiers dirigeait-il ses pas ? Etait-ce dans la Ville, ou bien dans la Cité, ou bien dans l’Université qu’il allait chercher la pâtée et le gîte ?… Croasse ne savait pas ! Croasse allait au hasard !…
    Croasse et Pipeau passèrent quelques heures de désolation. Parfois, ils étaient arrêtés au détour d’une ruelle par quelque truand qui leur demandait la bourse ou la vie, puis, ayant constaté leur misère, les laissait partir. D’autres fois, c’était une patrouille du guet qui passait, précédée d’un falot. De terreur en terreur, de fuite en fuite, de tour en détour, Croasse, vers deux heures du matin, avisa une grande porte devant laquelle il lui sembla qu’il pourrait essayer de dormir. Cela formait un demi-cercle rentrant, au fond duquel il serait à l’abri. Il s’y dirigea donc, en tâtonnant, car les ténèbres étaient profondes.
    Soudain, Pipeau grogna, et Craosse sentit qu’on saisissait son bras étendu en avant. En même temps, pour la troisième ou quatrième fois depuis le commencement de la nuit, il entendit ces mots qui le faisaient frissonner :
    — La bourse ou la vie !…
    — Hélas ! mon bon seigneur, mon digne truand, de bourse, je n’en ai jamais eu, et quant à ma vie, elle vaut si peu que moi-même je n’en donnerais pas un liard !…
    — Croasse ! exclama la voix.
    — Picouic ! s’écria alors Croasse en reconnaissant son compagnon au son de cette voix.
    Picouic lâcha le bras de Croasse et grommela :
    — Voilà bien ma chance ! Voici quatre heures que je guette, et quand je vois enfin venir un bourgeois, quand je crois que je vais enfin gagner ne fût-ce qu’un écu pelé, galeux, il se trouve que mon bourgeois, c’est Croasse !… Ah çà ! que fais-tu par les rues à cette heure de la nuit ?
    — Et toi ? fit Croasse rassuré, tout heureux de rencontrer un compagnon de

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