La Fausta
ensemble. Mais pour nos Parisiens, il faudra que la rentrée de mon fils soit précédée de quelque discussion. Ne craignez pas de demander beaucoup… pour vous et pour vos amis : il ne faut pas que vous ayez eu l’air de vous soumettre, si vous voulez que les ligueurs vous demeurent fidèles au jour… prochain hélas ! où vous serez sacré Majesté…
— Madame, dit Guise ébloui, j’admire la profondeur de votre génie. Il sera donc fait comme vous dites. Je me présenterai au roi en lieutenant-général de la Ligue… et non…
— Et non en sujet par trop fidèle ! acheva Catherine avec un sourire aigu. Seulement, prenez-y garde : vous aurez à combattre de redoutables malveillances… A propos, ajouta-t-elle en toussant et en jetant un rapide regard vers la tapisserie, il sera de toute nécessité de vous assurer le concours de Rome…
Le duc de Guise haussa les épaules.
— Rome ! fit-il sourdement. Tenez, madame, il est temps que le pape s’occupe un peu plus des affaires de l’Eglise et un peu moins des affaires de la France. Le roi votre fils a montré jusqu’ici une incroyable faiblesse vis-à-vis de Sixte…
— Le roi de France est le fils aîné de l’Eglise…
— Soit ! Mais à condition que le pape se montre bon père. Sixte est envahissant. Ce vieillard ombrageux, hypocrite et ambitieux à l’excès, rêve peut-être je ne sais quel asservissement du royaume. Il faudra compter…
— Prenez garde, mon fils… Sixte est puissant…
— Il l’a été, madame !… Nous pouvons aujourd’hui nous passer de lui. Par son despotisme, il s’est attiré la haine d’une foule de cardinaux. Qu’il prenne garde lui-même ! le gardeur de pourceaux a lassé la patience des princes : et je sais qu’un conclave secret…
Guise s’arrêta soudain.
— Eh bien ? fit Catherine. Achevez, duc, puisque nous sommes alliés !
— Ce que je pourrais dire à Votre Majesté est tellement incroyable que j’ose à peine le croire moi-même… Seulement sachez ceci : c’est que si la chrétienté a comme chef visible Sixte Quint, elle a aussi un chef occulte… Et c’est à ce dernier qu’obéira la Ligue, madame !… Sixte m’avait promis deux millions. Où sont-ils ? Sixte m’avait promis l’appui de Philippe d’Espagne, et Philippe me boude. Sixte joue double jeu. Quand je le voudrai… quand je le pourrai, du moins…
— C’est-à-dire quand vous aurez succédé à mon fils…
— Oui, madame ! dit Guise enivré. Eh bien, ce jour-là, Sixte verra se dresser devant lui un autre pape plus puissant.
— Oh ! ceci est impossible !… Un schisme !… Vous songeriez à un schisme !…
— Pourquoi pas, madame ! Si le schisme assure la prédominance du pouvoir royal !
— Hélas ! dit Catherine en secouant la tête. Je ne souhaite rien voir de ce que vous m’annoncez là… je ne souhaite plus qu’une seule chose au monde… C’est que mon fils vive à peu près tranquille les deux mois qui lui reste à vivre… après quoi je m’éteindrai, n’ayant plus rien à faire sur cette terre.
Guise s’inclina avec une apparente émotion. Puis il alla lui-même ouvrir la porte. Son escorte apparut aux yeux de la vieille reine… une quarantaine de seigneurs armés en guerre, cuirassés et prêts à monter à cheval.
— Messieurs, dit à haute voix le duc de Guise, Sa Majesté la reine a bien voulu me promettre en ce jour mémorable d’employer son crédit à faire cesser la guerre qui désole Paris et le royaume… Messieurs, vive la reine !…
Et Guise accompagna ces paroles d’un regard si impératif que ces gentilshommes, malgré leur stupéfaction, crièrent d’une seule voix :
— Vive la reine !…
— La reine, messieurs, reprit alors Guise, a accepté et promis de faire accepter par Sa Majesté le roi les articles les plus importants de notre Sainte Ligue. Chacun de nous ne peut trouver qu’honneur et profit à la paix qu’elle va nous préparer !
Cette fois, la stupéfaction s’accentua. Cette escorte qui était venue pour arrêter Catherine, pour en faire un otage, assistait avec stupeur et presque avec angoisse à cette réconciliation imprévue.
— Messieurs, dit alors Catherine, veuillez préparer un cahier de vos désirs : je réponds de le faire accepter par le roi. Je réponds de faire convoquer au plus tôt les états généraux.
— Vive la reine ! répéta le duc.
— Vive la reine ! crièrent les gens de Guise qui
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