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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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bohémienne Saïzuma ?…
    Ces dernières paroles lui avaient sans doute été apprises par Belgodère, car elle les débitait comme une leçon.
    — Approchez, dames et seigneurs, continua-t-elle sur le même ton.
    — Moi, moi ! cria une ribaude qui tendit sa main dans un geste de résolution et de crainte.
    — Tu vivras longtemps, dit Saïzuma, mais tu ne seras jamais ni riche, ni heureuse.
    — Malédiction ! gronda la ribaude. Madame la bohémienne, ne pourriez-vous me donner quelque richesse en échange de quelques ans de vie ?
    Mais déjà Loïson tendait sa main sur laquelle Saïzuma jetait un coup d’œil.
    — Prends garde à celui que tu aimes, dit-elle, il te fera du mal.
    — Bon ! grogna le Rougeaud, ce sera pain bénit.
    Successivement, plusieurs ribaudes et quelques truands connurent en frémissant l’avenir révélé par la bohémienne. Elle disait à chacun son fait en une phrase brève… peut-être selon l’inspiration du moment, au hasard.
    — Bientôt, dit-elle à un truand, tu porteras autour du cou une cravate de chanvre.
    Et le truand devint livide en murmurant :
    — Mon père et mes frères sont morts ainsi. Je sais bien que ce sera bientôt mon tour.
    Le Rougeaud, lui aussi, tendit sa main.
    — Ton sang va couler, dit Saïzuma. Prends garde à une épée plus subtile que ta dague.
    — Bah ! tu mens, sorcière ! Ou tu te trompes. Lis donc mieux.
    — J’ai dit ! fit Saïzuma.
    — Et tu prétends qu’il y a dans Paris une épée plus subtile que ma dague ? gronda le truand en abattant son poing sur la table qui trembla.
    — Ton sang va couler, te dis-je !…
    Le Rougeaud avait peut-être bu plus que de raison. Ou peut-être, sous ses airs, était-il plus vivement frappé par la prophétie. Il pâlit soudain et poussa un juron. Puis son visage s’enflamma. Il se leva, saisit la bohémienne par le bras et gronda :
    — Sorcière de malheur, si tu ne conjures à l’instant le mauvais sort, si tu ne déclares que tu as menti, c’est ton sang à toi qui va couler, et tu ne porteras plus malheur à personne !
    Alors, il y eut un grand tumulte dans le cabaret. Ce Rougeaud était parmi ces gens une façon de terreur. On le redoutait pour sa sauvage violence, et nul n’eût osé lui tenir tête dans aucune truanderie. C’était une bestiale physionomie. En ce moment, il était convaincu que la bohémienne lui jetait un mauvais sort. Il l’avait violemment saisie au bras. Saïzuma, raide, immobile, ne fit pas un geste de défense.
    — Déclare que tu as menti ! rugit le truand, tandis que les ribaudes s’écartaient épouvantées.
    — J’ai dit ! répéta Saïzuma de sa voix morne.
    Le Rougeaud leva le poing.
    Au moment où ce poing, véritable massue, allait s’abattre sur la tête de la bohémienne, le truand sentit une main rude tomber sur son épaule. Il chancela et se retourna avec un furieux grognement.
    — Ah ! ah ! fit-il en ricanant, l’amoureux de Loïse !…
    Ce mot dont le truand ne pouvait soupçonner le sens profond, répercuté dans l’âme du chevalier, fit pâlir Pardaillan, qui demeura un instant suffoqué, et dont la main crispée à l’épaule du Rougeaud retomba alors.
    — Eh ! Loïson ! cria le truand, voici ton amoureux qui t’abandonne pour la bohémienne !
    Pardaillan haussa les épaules, prit Saïzuma par la main et la conduisit à la place qu’il venait de quitter. Le Rougeaud fut tellement stupéfait de cet acte d’audace qu’il en resta cloué sur place pendant une longue minute. Le Rougeaud était le roi de cet antre qui s’appelait l’
Auberge de l’Espérance
. Il y régnait en despote. Quand il avait parlé, les autres clients n’avaient qu’à obéir. Il se fit donc un grand silence dans la salle ; les truands attendirent ce qui allait se passer, prêts d’ailleurs à se ruer au secours de leur chef si besoin était. Les ribaudes regardèrent Pardaillan avec compassion. Loïson pâlit. Le chevalier s’était assis près de Saïzuma et, paisible, sans daigner se préoccuper de l’orage qui s’amassait sur sa tête :
    — Madame, dit-il, vous plairait-il de me dire, à moi aussi, ma bonne aventure ?
    — Madame ! fit sourdement Saïzuma qui tressaillit. Quand m’a-t-on appelé ainsi ?… Oh ! il y a longtemps, bien longtemps…
    — Il ne me plaît pas, à moi, que la bohémienne vous dise la bonne aventure, gronda le Rougeaud en s’avançant alors.
    Pardaillan redressa lentement la tête, toisa le

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