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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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j’obtiendrai difficilement le pardon divin
malgré mes tortures en ce monde. Mais crois-moi, j’ai bien mérité le châtiment
que j’endure. »
    Le vieil homme à la harpe se releva et disparut sans ajouter
un mot. Bohort avait l’intention de le questionner sur plusieurs choses, mais
il n’en eut pas le temps, car l’homme avait déjà regagné la chambre d’où il
était sorti. De nouveau, le silence et l’ombre envahirent la grande salle du
Palais Aventureux, et Bohort, à demi couché sur le Lit de la Merveille, oubliant
la douleur que sa blessure à l’épaule lui causait, se demandait s’il rêvait ou
s’il était vraiment le témoin des événements étranges qui se déroulaient devant
lui. Il lui revint à l’esprit ce qu’avait dit Morgane à propos du Roi Pêcheur, qui
pouvait prendre toutes les formes désirées, et qui était expert en charmes et
enchantements. Et pourquoi Pellès lui avait-il refusé de passer la première
nuit de son séjour à Corbénic dans le Palais Aventureux ? Il se demandait
aussi si Lancelot avait subi les mêmes épreuves avant d’être admis dans le lit
de la fille du roi.
    Il en était là de ses réflexions quand il aperçut la colombe
tenant l’encensoir dans son bec, qui entra par un vitrail entrouvert, voleta à
travers la salle et s’engouffra dans une chambre dont la porte s’était
entrebâillée pour la laisser entrer. Le palais devint très calme, très
silencieux, comme si rien ne s’y était jamais passé, et Bohort sentit les
senteurs les plus fines et les plus suaves se répandre dans l’air, comme si
toutes celles du monde y convergeaient.
    Alors, de cette même chambre où était entrée la colombe, sortirent
quatre enfants en bas âge, si beaux que Bohort ne les prit pas pour des
créatures terrestres, mais pour des anges descendus du ciel. Ils portaient
quatre chandeliers aux cierges ardents. Devant eux, marchait un porteur d’encensoir,
et derrière, un homme d’un grand âge, chenu, vêtu comme un prêtre. Il n’avait
cependant pas de chasuble, mais il portait une lance. Et plus Bohort regardait
la lance, plus il était intrigué, car du fer de celle-ci coulaient une à une
des gouttes de sang qui paraissaient s’évaporer dans l’ombre.
    Persuadé qu’il s’agissait d’un objet saint et vénérable, Bohort
se leva et s’inclina à son passage. Le porteur de lance s’en alla droit au
siège d’or et se mit à parler ainsi : « Seigneur chevalier, tu es le
plus pur et le plus digne de ceux de la maison d’Arthur qui soit entré ici. Tu
pourras dire, quand tu seras en ton pays, que tu as vu la Lance vengeresse [44] .
Tu ignores bien sûr ce que cela veut dire, et tu ne l’apprendras pas avant que
le Siège Périlleux de la Table Ronde ait trouvé son maître. Cependant, tu connaîtras
la vérité à ce sujet par celui qui occupera cette place. Il te dira la nature
de cette lance, d’où elle vient et qui l’a apportée ici. Si ton cousin Lancelot
avait pris garde, au début de sa vie de chevalier, de se défendre du commerce
des femmes, comme tu l’as fait, toi, il aurait mené à leur terme les aventures
dont nous souffrons tous encore aujourd’hui. C’est un chevalier si preux et si
prisé qu’il n’a pas son égal dans le monde entier, mais il est d’autre part si
souillé que les louables vertus, qui devraient être les siennes, sont anéanties
et ruinées par la faiblesse de ses reins et la chaleur de son tempérament [45] . »
    L’homme à la lance se leva alors et se retira, disparaissant
dans une des chambres. Bientôt, une douzaine de jeunes filles firent leur
entrée dans la salle, pauvrement vêtues et attifées de parures sans valeur. Elles
marchaient lentement, à petits pas, l’une après l’autre, en silence, et elles
pleuraient si lamentablement que l’homme le plus insensible à la pitié en eût
été attendri. Parvenues à la porte de la chambre où était entré l’homme à la
lance, elles s’arrêtèrent et s’agenouillèrent, se livrant à une douleur sans
pareille. À leur attitude, Bohort comprit qu’elles disaient des prières et des
oraisons. Il ne savait que faire, ni que dire, ignorant la signification de
tout ce qu’il voyait. Pourtant, il aurait bien voulu en savoir davantage. Il
eut envie de questionner les jeunes filles qui se trouvaient le plus près de
lui, mais il n’osa pas, car il redoutait de déclencher quelque autre maléfice. Cependant,
à force de se tourmenter,

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