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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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piège
destiné à le faire fuir dans la plus grande honte.
    Quand le serpent fut parvenu au milieu de la salle, Bohort
vit surgir de l’ombre un léopard fier et orgueilleux qui se précipita sur le
reptile. Mais quand il aperçut le félin, le serpent se retourna, lui crachant
du feu et lui faisant tout le mal qu’il pouvait. Le léopard réagit alors en
labourant le serpent de ses crocs et de ses griffes. Il alla délibérément de l’avant
et gagna du terrain : s’il avait eu autant de force que le serpent, ce
dernier n’aurait pas eu l’avantage sur lui malgré sa vigueur et les feux
ardents dont il se protégeait. Bohort assista à cette longue bataille, très
perplexe sur le sens qu’on pouvait donner à cet affrontement, car il n’avait
jamais vu autant de cruauté chez deux animaux. Mais aucun des deux ne fut tué
par l’autre. Quand la bataille eut tant duré que l’un et l’autre furent obligés
de l’abandonner, le serpent s’évanouit dans l’ombre et le léopard disparut sans
que Bohort pût savoir où il était allé.
    Il vit cependant un spectacle hallucinant : à l’entrée
de la salle, dans un endroit mieux éclairé qu’ailleurs, le serpent commença à
se rouler et à tourner sens dessus dessous, comme le fait un animal qui ressent
des douleurs avant de mettre bas. Lorsqu’il fut apaisé, il vomit de sa bouche
une centaine de serpenteaux et ceux-ci commencèrent une épouvantable mêlée dans
le but de tuer le serpent d’où ils étaient sortis. Mais celui-ci résistait si
bien qu’ils ne pouvaient pas lui faire grand mal. Après que la bataille eut
fait rage, le serpent et les serpenteaux perdirent tous la vie et s’effondrèrent
pêle-mêle dans un angle de la salle. Bohort, de plus en plus stupéfait, se
demandait la signification d’un tel combat et surtout de son dénouement.
    Il demeurait plongé dans ses pensées, toujours assis sur le
lit, quand il vit sortir d’une autre chambre un homme pâle et maigre, et si
exsangue qu’il semblait plus mort que vif. Il avait autour du cou deux
couleuvres enroulées l’une dans l’autre, et ces couleuvres le mordaient devant
et derrière, au cou et au visage. Il se plaignait bruyamment et poussait des
gémissements lamentables. « Hélas ! s’écriait-il, pourquoi avoir
commis une faute qui me vaut une si grande souffrance ? Mon Dieu ! Viendra-t-il
un jour, celui qui doit me délivrer de ces tourments ? » Il marchait
ainsi à travers la salle, comme un aveugle, s’appelant infortuné et misérable, et
il portait sur la poitrine une harpe d’une richesse inouïe, couverte d’or, d’argent
et de pierres précieuses, une vraie merveille.
    Quand l’homme eut traversé la salle, il s’assit sur un siège
d’or qui semblait placé là en permanence. Il prit son plectre, accorda sa harpe,
puis entonna un lai sans cesser de pleurer. Bohort qui l’écoutait avec surprise,
mais aussi avec un certain plaisir tant la musique était belle, reconnut ce
chant comme étant le Lai des Pleurs . Il y
était dit comment Joseph d’Arimathie arriva dans l’île de Bretagne, lorsque
Notre-Seigneur lui commanda d’y aller, et comment, après avoir longtemps erré, ses
descendants se fixèrent aux Vaux d’Avalon [43] . Bohort y prêta une
grande attention, car il lui sembla que c’était un débat engagé jadis entre
Joseph d’Arimathie et Orphée l’Enchanteur qui construisit le Château des
Enchantements dans la marche d’Écosse.
    Quand il eut terminé de jouer et de chanter son lai, l’homme
se dressa et dit à Bohort : « Seigneur chevalier, c’est en vain que
tu as séjourné dans ce palais. Sache-le bien, en effet : les aventures qui
sont ici ne prendront fin ni par toi, ni par un autre, avant la venue du Bon
Chevalier, celui qui doit accomplir les aventures du Saint-Graal et toutes
celles que tu as vécues cette nuit. Il me délivrera du tourment dans lequel je
me trouve plongé. Donc, tu pourras t’en aller quand tu voudras, car tu n’obtiendras
pas d’autres résultats. – Mais, vieil homme, dit Bohort, d’où vient que tu supportes
ces couleuvres qui te font mal, autour du cou ? – Je suis condamné à les
souffrir. C’est la punition que Dieu a ordonnée à la suite des excès d’orgueil
dont je me suis rendu coupable jadis. Et si je pouvais, par cette souffrance terrestre,
être quitte de la damnation éternelle, je m’en estimerais très heureux. J’ai
fait tant de mal dans ma vie que

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