La fée Morgane
revinrent à la forteresse et y
passèrent tranquillement la nuit, ayant à souhait musique et boissons diverses.
Ils passèrent la matinée du lendemain à se divertir jusqu’au
moment du repas. Quand celui-ci fut terminé, Pwyll dit : « Où est la
troupe avec laquelle je suis allé hier sur le sommet du tertre ? – Nous
sommes là, seigneur, répondirent-ils. – Nous allons nous y asseoir de nouveau, et
nous verrons bien ce qui arrivera. » Puis il dit à son écuyer :
« Va chercher mon propre cheval et selle-le le mieux que tu pourras. Va
avec lui sur le chemin, et n’oublie pas d’apporter mes éperons. » L’écuyer
se hâta d’obéir aux ordres du roi, et tous allèrent s’asseoir sur le tertre.
Ils s’y trouvaient à peine lorsqu’ils virent la cavalière
arriver par le même chemin, dans les mêmes habits et avec le même cheval. Elle
avançait également de cette même allure tranquille que les deux jours
précédents. Pwyll dit à l’écuyer : « Donne-moi mon cheval. C’est moi
qui irai à sa poursuite ! » Mais il ne fut pas plus tôt en selle qu’elle
l’avait déjà dépassé. Il tourna bride et se précipita vers elle, lâchant les
rênes à son cheval impétueux et fougueux, persuadé qu’il allait l’atteindre au
deuxième ou au troisième bond. Mais il ne se trouva pas plus près d’elle qu’auparavant.
Il lança alors son cheval de toute sa puissance.
Il s’aperçut bien vite qu’il ne la rejoindrait jamais. Alors
il s’écria : « Femme, pour l’amour de l’homme que tu aimes le plus au
monde, attends-moi ! » Elle s’arrêta net. « Volontiers, dit-elle,
mais il eût mieux valu pour ton cheval que tu me fisses cette demande il y a
déjà quelque temps ! » Pwyll parvint à sa hauteur. Elle rejeta la
partie du voile qui recouvrait son visage, fixa ses yeux brillants sur lui et
attendit qu’il voulût bien commencer la conversation. « Princesse, dit
Pwyll, de quel pays viens-tu et pour quelle raison voyages-tu ainsi ? – Pour
mes propres affaires », répondit-elle. Ils se regardèrent un instant en
silence. Elle parla enfin : « Je suis bien heureuse de te rencontrer,
roi Pwyll. – Sois la bienvenue », répondit-il. Aux yeux de Pwyll, le
visage de toutes les femmes et de toutes les jeunes filles qu’il avait vues
jusqu’alors était sans aucun charme par rapport à celui de l’inconnue. Pourtant,
l’intensité de son regard l’inquiétait quelque peu. « Princesse, ajouta-t-il,
me diras-tu un mot de tes affaires ? – Par Dieu tout-puissant, ma
principale affaire était de te rencontrer. Car j’ai entendu raconter bien des
choses sur toi, et je sais que tu es un homme fidèle, capable de se faire tuer
pour respecter la parole donnée. – On t’a bien informée, dit Pwyll, et sois
sûre que si je m’engage en quoi que ce soit vis-à-vis de toi, il ne sera rien
que je ne puisse accomplir à ton service. Mais, qui es-tu donc ? – Roi
Pwyll, sache qu’on me donne parfois le nom de Rhiannon, fille d’Heveid le Vieux.
– Je ne connais personne de ce nom, répondit Pwyll, mais sois rassurée : tu
seras bien accueillie à ma cour. Pourquoi voulais-tu me rencontrer ?
— Je vais t’expliquer, dit la cavalière. On veut me
donner à un homme que je n’aime pas. Par Dieu tout-puissant, j’ai choisi de me
donner à toi parce que tu es un sage roi et un homme fidèle. Ainsi serai-je à l’abri
de celui qui me poursuit avec tant d’acharnement, à moins que tu ne me
repousses, évidemment. – Te repousser ! s’écria Pwyll, tu n’y penses pas !
Si j’avais à choisir entre toutes les femmes et les jeunes filles du monde, c’est
toi que je prendrais ! – Eh bien, puisque c’est ta décision, donne-moi un
rendez-vous avant qu’on ne me donne à un autre. – Le plus tôt sera le mieux. Fixe
toi-même la date et le lieu de la rencontre. – Eh bien, seigneur, le
quatorzième soir après cette journée. Un festin sera préparé pour toi à la cour
d’Heveid le Vieux. – Mais où se trouve la cour d’Heveid ? – Ce n’est pas
difficile. Il te suffira de suivre ce chemin et de franchir les limites de ton
royaume. Au bout d’une lande, près d’un étang, se dresse la forteresse. C’est
là que tu me retrouveras. – J’y serai, j’en fais le serment. – Fort bien, seigneur,
reste en bonne santé et souviens-toi de ton engagement. » Ils se
séparèrent. Pwyll reprit le chemin d’Arberth, mais la cavalière
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