La fée Morgane
réussi à unifier le royaume. Quand
tu seras de retour dans ton pays, tu verras ce que j’ai fait pour toi. – Que
Dieu te le rende ! » répondit Pwyll. Arawn redonna alors sa forme et
ses traits à Pwyll, roi de Dyved, puis il reprit les siens et, après avoir
salué son ami, il retourna dans sa forteresse en Announ.
Il fut fort heureux de se retrouver parmi ses gens et sa
famille qu’il n’avait pas vus depuis de longs mois. Pour eux, qui n’avaient pas
senti son absence, son arrivée ne parut pas plus extraordinaire que de coutume.
Il passa la journée dans la gaieté, la joie, le repos et la conversation avec
sa femme et ceux qui constituaient sa cour. Quand le moment fut venu de dormir
plutôt que de boire, ils allèrent se coucher. Le roi se mit au lit et sa femme
vint le rejoindre. Après quelques moments d’entretien, il se livra avec elle
aux plaisirs de l’amour. Comme elle n’y était plus habituée depuis très
longtemps, elle en fut tout étonnée et se mit à réfléchir. « Dieu, se
dit-elle, comment se fait-il qu’il ait eu cette nuit des sentiments autres que
toutes les autres nuits que nous avons passées ensemble depuis tant de mois ? »
Comme elle restait songeuse, se retournant sans cesse, harcelée
par cette pensée, Arawn finit par se réveiller. Il lui adressa une première
fois la parole pour lui demander ce qui lui arrivait. Il n’eut pas de réponse.
Il insista une seconde, puis une troisième fois, toujours sans
succès. « Pourquoi ne me réponds-tu pas ? demanda-t-il enfin avec une
impatience non dissimulée. – Devrais-je t’en dire plus que je n’en ai dit en
pareil lieu depuis presque un an ? s’écria-t-elle. – Comment cela ? Nous
nous sommes entretenus de bien des choses. » La reine ne put plus se
contenir : « Honte sur moi si, à partir d’une certaine nuit, il y a
presque un an, en ce même lieu, au moment où nous nous trouvions dans ces draps,
il y a eu jeux et entretiens, si tu as même tourné ton visage vers moi, sans
parler, à plus forte raison, de choses importantes ! »
Ce fut au tour d’Arawn de devenir songeur. « En vérité,
Seigneur Dieu, s’écria-t-il, il n’y a pas d’amitié plus solide, plus constante
et plus fidèle que celle du compagnon que j’ai trouvé ! » Puis il dit
à sa femme : « Reine, ne m’accuse pas. Par Dieu tout-puissant, je
jure que je n’ai pas dormi avec toi, je ne me suis pas étendu à tes côtés
depuis presque un an ! » Et il lui raconta son aventure. « J’en
atteste Dieu, dit-elle, tu as mis la main sur un ami solide et dans les combats
et dans les épreuves du corps. Il faut rendre hommage à la fidélité exemplaire
qu’il t’a gardée. – Certes, ajouta Arawn, voilà quelque chose d’extraordinaire
que je n’oublierai pas ! »
Quant à Pwyll, il était revenu dans le pays de Dyved, où son
arrivée passa aussi inaperçue que si elle s’était produite de longs mois
auparavant. Il commença par demander à ses vassaux ce qu’ils pensaient de son
gouvernement cette année-là, en comparaison des années précédentes. « Seigneur,
répondirent-ils, jamais tu n’as montré autant de courtoisie, jamais tu n’as été
aussi aimable, jamais tu n’as dépensé aussi aisément ton bien en faveur des
autres, jamais ton administration n’a été meilleure que pendant l’année écoulée.
– Par Dieu tout-puissant, s’écria Pwyll, il est vraiment juste que vous en
témoigniez votre reconnaissance à l’homme que vous avez eu au milieu de vous ! »
Alors, il leur raconta l’aventure. « En vérité, seigneur, dirent-ils, Dieu
soit béni de t’avoir procuré une telle amitié. Le gouvernement que nous avons
eu cette année, tu ne nous le reprendras pas ? – Certes non, autant qu’il
sera en mon pouvoir. »
À partir de ce moment, Pwyll et Arawn s’appliquèrent à consolider
leur amitié : ils s’envoyèrent chevaux, chiens de chasse, faucons, tous
les objets précieux que chacun pensait propres à faire plaisir à l’autre. À la
suite de son séjour en Announ, parce qu’il y avait gouverné avec tant de succès
et unifié les deux parties du royaume en un même jour, on n’appela plus Pwyll
prince de Dyved, mais « chef d’Announ ». Et chacun se réjouit d’avoir
un roi aussi sûr et aussi fidèle.
Un jour, Pwyll se trouvait à Arberth, sa principale
résidence, où un festin avait été préparé, avec une grande suite de ses vassaux.
Après le
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