La fée Morgane
allèrent se
coucher.
Le lendemain matin, Gwyzion se leva très tôt et s’en alla
dans la cour, du côté des écuries. Il eut alors recours à ses artifices et fit
apparaître douze étalons, douze chiens de chasse noirs ayant chacun le poitrail
blanc, avec leurs douze colliers et leurs douze laisses que tout le monde eût
pris pour de l’or. Les douze chevaux portaient chacun une selle, et partout le
fer était remplacé par de l’or. Les brides étaient semblables aux selles, aussi
belles et aussi brillantes. Et quand le moment fut venu, Gwyzion se rendit
auprès de Pwyll avec les chevaux et les chiens.
« Bonjour à toi, seigneur, dit-il en le saluant. – Dieu
te donne bien, répondit Pwyll. Sois le bienvenu. – Seigneur, je t’apporte un
moyen de te libérer de la parole que tu as donnée aux gens de ton pays au sujet
des porcs, à savoir que tu ne les donnerais, ni ne les vendrais, tant que leur
nombre n’aurait pas doublé. Par contre, tu peux les échanger contre quelque
chose qui serait de plus haute valeur. Voici donc ce que je te propose : je
t’offre ces douze chevaux avec leurs selles et leurs brides, ces douze chiens
de chasse avec leurs colliers et leurs laisses, ainsi que ces douze boucliers
dorés. » Or, il faut savoir que ces boucliers étaient en fait des
champignons que Gwyzion avait transformés pour la circonstance.
Pwyll se montra fort intéressé par les chevaux, les chiens
et les boucliers qui lui parurent effectivement de plus grande valeur que les
porcs dont lui avait fait cadeau Arawn, le roi d’Announ. « Cela mérite
réflexion », dit-il. Il fit réunir les membres de son conseil et
parlementa avec eux. Ils décidèrent finalement de donner les porcs à Gwyzion en
échange des chevaux, des chiens et des boucliers. Les gens du Nord prirent
alors congé et se mirent en route avec le troupeau de porcs. « Compagnons,
dit Gwyzion, il nous faut marcher en toute hâte et sans nous arrêter, car le
charme dont j’ai usé ne dure que la période d’un jour sur l’autre. » Ils
allèrent donc toute la nuit, jusqu’à la partie la plus élevée des montagnes qui
entourent Cardigan, à l’endroit qu’on appelle encore aujourd’hui, pour ce motif,
Mochtref, c’est-à-dire l’habitation des porcs. Puis, ils redescendirent vers le
nord en suivant les vallées, ne prenant même pas le temps de s’arrêter pour se
restaurer et se reposer.
Pendant ce temps, à la cour de Pwyll, lorsque celui-ci se
leva, le matin, pour aller admirer les chevaux, les chiens et les boucliers qu’il
avait reçus en échange de ses porcs, il ne trouva rien d’autre que des
champignons desséchés, des chaînes rouillées et des joncs tressés. Comprenant
qu’il avait été joué par celui qui se prétendait chef des bardes, il entra dans
une violente colère et convoqua tous ses guerriers pour engager le combat
contre les gens de Gwyned qui, selon lui, avaient été les instigateurs de cette
mauvaise action.
Quand Gwyzion et ses compagnons arrivèrent à Kaer Dathyl, ils
se rendirent auprès de Math, fils de Mathonwy. Ils trouvèrent celui-ci debout
en train de revêtir ses armes. « Que se passe-t-il ? » demanda
Gwyzion. Math lui répondit : « Pwyll, le prince de Dyved, est en
train de réunir les gens de ses cantons pour vous poursuivre. Vous avez mis
beaucoup de temps à revenir. Où sont les animaux que tu as rapportés ? – Je
les ai mis en sûreté dans tes écuries, répondit Gwyzion. – Fort bien, dit Math,
mais pour l’instant, il s’agit de nous défendre contre les gens de Dyved ! »
À ce moment, retentirent les trompettes qui appelaient les hommes du pays aux
armes. Math prit la tête de ses troupes et se dirigea vers le sud. Quant à
Gwyzion et à Girflet, après avoir fait mine de suivre l’armée, ils s’écartèrent
et, par un chemin détourné, retournèrent à Kaer Dathyl.
Ils pénétrèrent dans le logis où se trouvaient Gœwin et les
filles de sa suite. « Vois-tu, dit Gwyzion à son frère, comme il est
facile de redresser une situation. Il est grand temps maintenant que tu ailles
jusqu’au bout de ton désir et que tu cesses de dépérir. Math est bien loin, et
tu as loisir de faire ce que tu veux avec la jeune fille que tu aimes. »
Gwyzion chassa outrageusement les suivantes et fit place nette dans le logis. Après
quoi, Girflet coucha avec Gœwin cette nuit-là, bien que ce fût contre son plein
gré. Le lendemain, dès qu’ils virent poindre
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