La fée Morgane
Mathonwy, et tous les
gens de la cour accoururent de ce côté. Math se leva et sortit. Dehors, il
aperçut trois bêtes, un sanglier mâle, un sanglier femelle et un marcassin qui
paraissait très fort pour son âge. « Ce marcassin, dit Math, je le garde
et je le ferai baptiser. » D’un coup de sa baguette, il en fit un bel
adolescent brun et fort. On l’appela Hychtwn, c’est-à-dire « petit porc ».
Et Math, relevant sa baguette, dit encore : « Que celui qui a été
sanglier auparavant soit louve à partir de ce jour, et que la truie devienne un
loup. » En disant ces mots, il les frappa de sa baguette, et
instantanément, ils devinrent loup et louve. « Vous aurez, ajouta Math, les
instincts des animaux dont vous avez la forme. Soyez ici, sous ces murs, dans
six mois à partir d’aujourd’hui. » Le loup et la louve s’enfuirent au
milieu des cris et des huées.
Six mois plus tard, Math entendit un grand tumulte et des
aboiements de chiens sous les murs de sa chambre. Il se leva aussitôt et sortit.
Dehors, il aperçut un loup, une louve et, avec eux, un louveteau de grande
taille. « Celui-là, dit Math, je le prends et je le ferai baptiser. Son
nom est tout trouvé et il s’appellera Bleiddwn, c’est-à-dire « comme un
loup ». » Et, d’un coup de sa baguette sur le loup et la louve, il
les transforma de nouveau, les faisant revenir à leur aspect humain. « Hommes,
dit Math, si vous m’avez fait un grand tort, vous avez maintenant assez
souffert pour que votre châtiment soit levé, et vous avez eu la grande honte d’avoir
des enfants l’un de l’autre. » Puis il se tourna vers les serviteurs :
« Donnez à ces hommes un bain, faites-leur laver la tête et donnez-leur
des habits. Quand ils seront lavés, équipés et reposés, faites-les venir auprès
de moi. » Tandis que les serviteurs exécutaient ses ordres, Math rentra
dans sa chambre.
Gwyzion et Girflet, une fois remis de leurs fatigues, retournèrent
vers Math. « Mes neveux, dit celui-ci, la paix est maintenant faite entre
nous. Nous n’avons plus à parler de ce qui s’est passé. J’ai toujours eu et ai
encore de l’affection pour vous. De plus, j’ai besoin de vos conseils. Depuis
dix-huit mois, je n’ai pas encore trouvé de jeune fille vierge assez sage et
assez avisée pour me plaire. Donnez-moi votre avis sur ce point : quelle
jeune fille vierge dois-je choisir ? – Seigneur, répondit Gwyzion, il n’y
a rien de plus facile. Je sais qui est la personne qui te conviendra : elle
est belle, intelligente et raffinée. – Qui est-elle donc ? demanda Math. –
C’est Arianrod, notre sœur, ta nièce, fille de Dôn. Aucune autre jeune fille n’est
plus agréable qu’elle et sa conversation est pleine de charme. – Faites-la
venir », dit Math.
On alla la chercher. La jeune fille entra dans la chambre.
« Jeune fille, demanda Math, es-tu vierge ? – Pas autre chose, seigneur,
du moins à ma connaissance. » Alors Math prit sa baguette et la courba.
« Passe pardessus, dit-il, et si tu es vraiment vierge, je le saurai
immédiatement. » Arianrod fit un pas par-dessus la baguette enchantée et, en
même temps, elle laissa derrière elle un enfant blond et fort. Aux cris que
poussa l’enfant, elle voulut s’enfuir et chercha la porte. Mais, dans sa course,
elle laissa encore après elle quelque chose, comme un petit enfant. Avant que
personne d’autre eût pu l’apercevoir, Gwyzion bondit, saisit l’enfant, l’enveloppa
dans son manteau de soie brochée et le cacha au fond d’un coffre qui se
trouvait au pied du lit. « Eh bien, dit Math, je vois qu’Arianrod n’est
pas la vierge qu’elle prétendait être. Peu importe, j’en trouverai bien une
autre. » Il se tourna vers l’enfant blond. « Je vais le faire baptiser
et je lui donnerai le nom de Dylan. » Mais on raconte que, dès qu’il fut
baptisé, il sortit de la chambre et se dirigea en courant vers la mer. Aussitôt
qu’il y entra, il en prit en quelque sorte la nature et se mit à nager comme un
poisson au milieu des grandes vagues qui déferlaient sur le rivage. Aussi l’appela-t-on
par la suite Dylan, fils de la Vague.
C’est alors que Girflet prit congé de son oncle et de son
frère. L’épreuve qu’il avait subie lui avait grandement modifié le caractère. Il
dit qu’il voulait retourner à la cour du roi Arthur et servir fidèlement
celui-ci. Gwyzion accompagna son frère jusqu’aux écuries où on lui
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