La fée Morgane
meilleurs qui soient au monde. – Eh
bien, répondit Arthur, c’est avec grande joie et grand plaisir que nous
acceptons ton invitation. »
Ils montèrent tous sur leurs chevaux et se dirigèrent vers
la forteresse de Landuc par le plus court chemin. Mais Yvain avait pris soin d’envoyer
en avant un écuyer qui portait un faucon sur son poing, afin qu’il avertît la
dame Laudine de leur arrivée et que les gens pussent embellir les maisons, en l’honneur
du roi Arthur. D’ailleurs, quand la Dame de la Fontaine eut appris la venue du
roi, elle en fut très heureuse, et ses gens n’en furent pas moins contents. La
dame leur commanda d’aller à sa rencontre. Ils obéirent avec grand empressement
et quand ils furent à la hauteur de la troupe, ils saluèrent en grande pompe le
roi de l’île de Bretagne et tous les gens de sa compagnie. Puis, ils les
escortèrent jusqu’à la forteresse en poussant des cris d’allégresse.
La cité s’emplit d’une joyeuse rumeur. On para les murs de
draps de soie, et des tapis furent étendus sur les pavés. Pour protéger les
rues du soleil qui était fort chaud, car on était en plein été, on les couvrit
de courtines. Les cloches, les cors et les trompettes retentirent à grand bruit
dans la ville. Devant le roi, dansaient des jeunes filles tandis que les
tambours rythmaient la marche des nouveaux arrivants. D’agiles jongleurs
sautaient et accomplissaient des tours d’adresse. Tous rivalisaient de gaieté
pour recevoir le roi Arthur.
La Dame de la Fontaine était sortie, vêtue d’une robe impériale
bordée d’hermine, un diadème sur le front tout orné de rubis. Elle était
resplendissante et se montrait gaie et enjouée ; elle paraissait plus
belle qu’une déesse des temps anciens. Autour d’elle se pressait la foule, et
tous disaient et répétaient, les uns après les autres : « Bienvenu
soit le roi, le seigneur des rois et le roi des seigneurs du monde [22] ! »
Arthur ne pouvait guère répondre à tous ces saluts. Il vit venir à lui la dame
qui lui tint l’étrier. Mais il ne voulut point se prêter à cette courtoisie, et
se hâta de descendre d’un bond de son cheval. Elle le salua courtoisement en
disant : « Sois le bienvenu, roi Arthur, mon seigneur, et béni soit
le valeureux Gauvain, ton neveu ! – Que ta noble personne ait le bonjour, belle
Dame de la Fontaine ! » répondit le roi. Et, en disant ces mots, il l’embrassa.
Pendant le festin, un chevalier n’avait d’yeux que pour la
jeune fille qui portait le nom de Luned. C’était Gauvain, la fine fleur de la
chevalerie, l’un des plus valeureux compagnons de la Table Ronde, et le neveu
du roi, celui qu’il avait désigné comme son successeur. Gauvain faisait en
effet resplendir la chevalerie comme le soleil du matin, en dardant ses rayons
qui illumine tous les lieux où il se répand. Et si Gauvain était le soleil [23] ,
il devait y avoir une lune pour recevoir ses rayons. Ce fut Luned, la suivante
de Laudine [24] , qui avait été l’élève de
Morgane et qui s’y connaissait fort bien en magie et nécromancie. Elle était
brune, avenante, très aimable et enjouée et, de plus, très avisée pour résoudre
les problèmes les plus ardus. Elle se lia vite avec Gauvain qui la prisait
beaucoup. Il l’appela son amie et lui offrit son service, parce qu’elle avait
sauvé de la mort son compagnon et cousin. « Jeune fille, disait Gauvain, je
serai désormais ton chevalier, et si tu te trouves dans le besoin, tu me
trouveras toujours pour te rendre service ou pour te faire justice. »
Ainsi fut nouée l’amitié entre Gauvain et la jeune Luned, suivante de la Dame
de la Fontaine après avoir été l’élève de Morgane [25] .
Yvain se réjouissait grandement du séjour du roi. Laudine de
Landuc honorait beaucoup les chevaliers de sa suite et faisait si bonne mine à
chacun que plus d’un présomptueux prit ses sourires et ses attentions pour des
preuves d’amour. Mais la Dame de la Fontaine sut très bien les ramener à la
raison. En tout cas, nombreux furent ceux qui allèrent, en compagnie d’Yvain, visiter
le pays et s’ébattre dans les châteaux des environs, qui étaient fort beaux et
bien pourvus de vivres et de breuvages.
Cependant, le roi Arthur songea qu’il ne devait pas s’attarder
plus longtemps et qu’il lui fallait regagner ses propres domaines pour
continuer à y faire régner l’ordre et la paix. Il prépara donc son départ,
Weitere Kostenlose Bücher