Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
autres
reculèrent, car ils savaient bien que le chevalier était décidé à les frapper
durement. À le voir ainsi plein de courage et de vigueur, le seigneur, qui
prisait fort la bravoure, se radoucit quelque peu et lui demanda qui il était, d’où
il venait et comment il était entré là. Guigemer raconta comment il était venu,
parla de la biche blessée et de la malédiction qu’elle avait jetée sur lui, de
sa plaie et du bateau qui l’avait conduit au pied de cette cité.
    « Je ne crois pas à ton histoire, dit le seigneur. Ce
sont là des choses impossibles. Dis-moi la vérité. – C’est la vérité, répondit
Guigemer. – Alors, donne-moi des preuves. Je veux que tu retrouves le bateau
sur lequel tu prétends être venu jusqu’ici. Nous verrons bien ce qui arrivera. Je
jure, par Dieu tout-puissant, que si une barque arrive dans le port, je te
laisserai partir sain et sauf. Libre à toi, ensuite, de te noyer dans la mer. Mais
si tu as menti et si aucune barque ne vient te chercher, tu n’échapperas pas à
la mort ! » Guigemer fit une ardente prière et accepta la proposition
du seigneur.
    Ils quittèrent la chambre et descendirent vers la mer. Quelle
ne fut pas leur surprise de voir une barque, au pied de la muraille. Guigemer, émerveillé,
la reconnut bien : c’était celle qui l’avait amené. Quant au seigneur, prisonnier
de son serment, il le laissa aller. Et dès que Guigemer fut dans la barque, celle-ci
quitta mystérieusement le rivage, sa voile gonflée par le vent, et se retrouva
bientôt en haute mer. Mais s’il avait échappé à la mort, le chevalier était en
proie à la grande douleur d’avoir perdu celle qu’il aimait plus que sa vie. De
plus, il se sentait plein d’angoisse pour elle, car il ne savait pas comment
son vieil époux allait la traiter pour se venger.
    Tandis que Guigemer se lamentait ainsi, la barque entra dans
le havre où jadis il l’avait trouvée, au bas du promontoire. Il mit pied à
terre et grimpa le long du sentier jusqu’au sommet de la falaise. Un valet
passait par là à cheval, tenant à la main un destrier qu’il conduisait. Guigemer
l’appela et le valet reconnut son seigneur. Il sauta de sa selle et le salua
avec empressement, puis il lui offrit le meilleur des deux chevaux. C’est ainsi
que Guigemer regagna son logis où tous ses vassaux et serviteurs se réjouirent
de le voir guéri de sa blessure. Le roi Uryen lui fit fête et, quand il fut en présence
de Morgane, celle-ci lui sourit d’un air complice, mais elle ne dit rien et ne
lui demanda rien.
    La renommée de Guigemer était grande dans tout le pays, mais
il demeurait toujours triste et pensif. On le pressait de prendre femme, mais
il refusait obstinément. À la fin, pour couper court à toutes les tentatives, il
fit savoir que jamais il ne voudrait d’une femme, quelles que fussent sa beauté
et ses richesses, qui ne pourrait défaire, sans utiliser la force, le nœud qui
se trouvait à un pan de sa chemise. Quand la nouvelle se fut répandue, nombreuses
furent les jeunes filles et les dames qui voulurent tenter l’épreuve. Mais, à
la grande déception de tous, aucune d’elles ne réussit à défaire le nœud.
    Pendant ce temps, le vieux seigneur avait réuni ses vassaux
et prenait leur conseil pour savoir quel sort il fallait réserver à la dame. On
fut d’avis de l’enfermer dans une tour de marbre gris, sans aucune compagnie. Elle
y resterait tant que sa vie durerait et on lui passerait nourriture et boisson
par un simple guichet. Tel serait son châtiment pour avoir trahi son seigneur. Mais
ce qui causait le plus de souffrance à la dame, c’était d’être privée de la
présence de son ami. Son enfermement n’était rien en comparaison de l’angoisse
qui l’étreignait nuit et jour. Elle gémissait sans cesse et se tordait les
mains de désespoir. Si elle avait pu se jeter de la tour dans la mer, elle l’aurait
fait, tant la vie n’avait plus aucune importance pour elle. Mais la tour ne
comportait qu’une porte et une fenêtre avec de solides barreaux de fer : il
était impossible de passer au travers. Et la dame ne pouvait que pleurer en
regardant le ciel et en priant Dieu de mettre un terme à tant de souffrances.
    Or, un jour qu’elle était à cette fenêtre, elle aperçut un
groupe d’oiseaux noirs qui tourbillonnaient au-dessus de la tour. Elle les
remarqua bien parce qu’ils semblaient vouloir l’encercler. Elle n’avait jamais
remarqué

Weitere Kostenlose Bücher