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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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ton cœur »,
répondit-elle en souriant.
    Après avoir entendu la messe dans la chapelle, la dame
revint dans la chambre. Elle avait hâte de connaître l’état du chevalier, s’il
dormait ou s’il s’était réveillé. La suivante, sans un mot, la conduisit près
du lit où reposait le chevalier et les laissa tous deux. « As-tu passé une
bonne nuit, demanda la dame, et ta blessure te fait-elle encore souffrir ? »
Il n’osait rien répondre. Étant de terre étrangère, il avait peur, s’il avouait
son amour, qu’elle le repoussât, qu’elle le prît en haine et ne l’obligeât à s’éloigner.
Mais ce qu’il endurait était tel qu’il ne pouvait plus se taire. « Dame, dit-il,
la blessure que tu as vue et que tu as si habilement pansée n’est rien à côté
de celle que tu m’as infligée ! – Comment cela ? fit la dame en
feignant l’étonnement. – Dame, reprit Guigemer, je ne peux plus rien te cacher.
Je meurs à cause de toi. Je requiers ton amour et te prie de ne pas m’éconduire. »
    Elle l’écoutait avec ravissement. « Ami, dit-elle en
riant, je n’ai pas coutume d’accorder une pareille demande aussi vite ! – Ah !
s’écria Guigemer, écoute sans te fâcher ce que je vais te dire : une femme
coquette se fait longtemps prier afin de se mettre à plus haut prix, et pour
que celui qui la courtise la croie tout ingénue dans ce jeu. Mais la dame franche
et noble qui trouve un homme qui lui convient ne fait jamais la fière avec lui.
Elle l’aime, elle en prend sa joie, et avant que nul ne s’en doute, tous deux
trouveront le bonheur. Dame, finissons ce plaidoyer, car je ne peux plus
attendre ! »
    La dame savait bien qu’il avait raison. Elle se pencha vers
lui, remplie d’émotion, et lui octroya sur-le-champ son baiser et son amour. Guigemer
en fut tout bouleversé. Ils parlèrent et devisèrent ensemble un long moment, puis
ils en vinrent aux baisers et aux caresses, et à beaucoup d’autres choses que
les amoureux connaissent bien. Ils vécurent ainsi dans la joie de nombreuses
semaines, et la blessure de Guigemer ne fut bientôt qu’un mauvais souvenir.
    Cependant, un matin d’été, alors que la dame reposait à côté
de son ami, elle lui baisa la bouche et le visage, puis lui dit : « Quelque
chose m’inquiète, bel ami, car, cette nuit, j’ai eu un rêve que je ne peux
oublier. Mon cœur m’avertit que je vais te perdre. Oui, nous allons être
surpris et découverts. Si tu meurs, je mourrai aussi, mais si tu en réchappes, tu
aimeras une autre femme, et moi, je resterai seule avec ma douleur. – Dame, répondit
Guigemer, ne dis pas de telles folies ! Dieu fasse que je n’aie plus ni
joie ni paix si je me consolais avec une autre femme ! N’aie aucune
crainte à ce sujet. » La dame réfléchit un instant, puis elle reprit :
« Ami, je veux un gage. Donne-moi ta chemise. Je vais faire un nœud avec
le pan de dessus. Je te donne la permission d’aimer la femme qui pourra dénouer
l’étoffe sans utiliser la force. » Il lui donna sa chemise et elle en noua
un pan d’une telle façon que nul au monde n’aurait pu le défaire sans le
trancher avec un couteau. Puis, elle la lui rendit, lui conseillant de la
mettre soigneusement en sûreté. Mais, à son tour, Guigemer lui mit autour des
reins une ceinture qu’il ferma de telle sorte que personne n’aurait pu ouvrir
la boucle sans rompre ou déchirer la ceinture. « Dame, dit-il, je te donne
permission d’aimer l’homme qui pourra ôter cette ceinture sans utiliser la
force. » Alors, ils échangèrent un long baiser pour sceller leur accord.
    Le jour même, ils furent surpris par un valet que le
seigneur avait envoyé porter des vêtements pour la dame. Ne pouvant entrer dans
la chambre, il avait regardé par la fenêtre et avait vu les deux amants sur le
lit. Il retourna en hâte vers le seigneur et lui fit son rapport. Le seigneur
entra dans une violente colère. Il envoya chercher trois de ses fidèles, et
avec eux, il s’en alla droit vers la chambre. Comme la porte était fermée, il
la fit enfoncer. Ils y trouvèrent bien entendu le chevalier en compagnie de la
dame. Et la fureur du vieux seigneur était telle qu’il ordonna qu’on le tuât
immédiatement.
    Guigemer s’était levé, sans hâte et sans s’effrayer aucunement.
Il avait pris une grosse perche de sapin sur laquelle on faisait sécher le
linge. Il les attendait, les menaçant de son arme improvisée. Les

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