La Femme Celte
cette
coloration, en se transmettant aux Bretons insulaires et armoricains, allait donner
naissance à une église celtique prodigieusement fervente et active, qui contribua
à l’évangélisation du continent, mais qui devint bientôt très suspecte à
l’orthodoxie romaine [29] .
L’Irlande, en dépit de ses difficultés intérieures, en dépit
des invasions scandinaves, allait devenir pendant tout le Haut Moyen Âge, non
seulement un foyer de spiritualité, mais aussi, comme le Pays de Galles, un
véritable conservatoire de la langue, de la littérature et de l’art celtiques.
Cependant, au XII e siècle, à la suite de
combinaisons obscures où la papauté ne semble guère avoir le beau rôle, le
titre de Haut-Roi d’Irlande fut donné à Henri II Plantagenêt qui, à la
même époque, administrait la Bretagne armoricaine après la mort de son fils Geoffroy 1 er et pendant la minorité d’Arthur, son petit-fils. La dynastie anglo-normande
allait garder l’Irlande qui, pendant plusieurs siècles, dut subir les pires
spoliations, les pires oppressions de la part des Anglais et des Écossais. En
1921, l’Irlande retrouvera en partie sa liberté grâce à l’établissement du Saorstat Eireann : l’essentiel sera sauvé, mais
qu’est devenue la langue gaélique, à peine parlée par les habitants de quelques
comtés de l’ouest et par les intellectuels, cela en dépit du fait qu’elle est
langue officielle [30] ?
Quant à la Bretagne armoricaine, elle allait demeurer jusqu’au
XV e siècle le seul état celtique encore
indépendant. Après l’installation des Bretons insulaires et la fondation de plous et de comtés se substituant aux pagi gallo-romains, l’Armorique essayait tant bien
que mal de préserver à la fois son unité et son intégrité face à deux voisins
pleins de convoitises, les Francs et les Saxons. En fait, pendant dix siècles,
l’histoire de la Bretagne armoricaine sera un perpétuel jeu d’équilibre entre
l’influence anglaise et l’influence française. En 845, à Ballon, le roi breton
Nominoë battit les troupes de Charles le Chauve, arrêtant les prétentions
carolingiennes. En 867, son successeur Salaün se fit reconnaître par Charles le
Chauve, non seulement son titre de roi mais aussi l’annexion par les Bretons du
Cotentin et des îles anglo-normandes. Mais les invasions normandes furent
fatales à la Bretagne qui vit s’appauvrir son sol et se vider son territoire de
toutes ses élites. L’influence française commença à se manifester dans les
nouvelles classes dirigeantes, à tel point que la langue bretonne ne fut plus
que la langue des paysans des régions les plus occidentales. Au XII e siècle, c’est la dynastie anglo-angevine des
Plantagenêt (de langue française) qui géra la Bretagne devenue un simple duché.
Puis, au XIII e siècle, ce fut une
dynastie capétienne, celle des Dreux, qui fut d’ailleurs assez anti-française.
Au début de la guerre de Cent Ans, deux partisans s’affrontèrent pour la succession
du duc Jean III, mort sans héritier direct : Charles de Blois, soutenu
par le roi de France, et Jean de Montfort, soutenu par le roi d’Angleterre.
C’est Jean IV de Montfort qui l’emporta, à la bataille d’Auray en 1364, où
le chef de bande Du Guesclin, mercenaire à la solde de Blois, subit le plus bel
échec de sa carrière [31] .
On connaît la fin : cent vingt-quatre ans plus tard,
l’armée bretonne de François II fut battue le 28 juillet 1488 à
Saint-Aubin-du-Cormier, ouvrant ainsi toutes les portes à la monarchie
française. Anne de Bretagne, seule et dernière héritière du duché, dut se marier
de force avec Charles VIII puis avec Louis XII. La couronne ducale
passa à sa fille Claude qui épousa François 1 er , puis au
dauphin Henri. Mais c’était à titre purement
personnel . C’est pourquoi, en 1532, après un vote du parlement de
Bretagne réuni à Vannes et soumis à toutes les pressions, le roi de France
signa, le 13 août, un traité qui consacrait l’ union de la Bretagne et de la France, sous certaines
conditions bien déterminées , et les deux pays étant considérés comme souverains [32] .
Ainsi disparurent les nations celtiques. Mais en dépit de
l’occultation systématique de toute la tradition celtique, celle-ci existe. De
précieux manuscrits irlandais ou gallois nous l’ont transmise. Il y a aussi
toute une tradition orale, non seulement en Irlande et au Pays de Galles,
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