La Femme Celte
d’être sauvé après avoir fait la preuve qu’il le méritait. Fortuna audaces juvat ! Après tout, le
Jansénisme n’est pas si éloigné, en dépit de toutes les querelles, du
pélagianisme qui professe que l’homme peut se sauver s’il décide vraiment, par
un effort de volonté, de se sauver. Et l’on sait que par derrière le
pélagianisme se profilent tous les souvenirs du druidisme.
[443] Encore un trait janséniste, il ne va pas au bout, il s’arrête en
chemin, il ne mérite pas la grâce, même s’il est juste, s’il n’a pas accompli
de mauvaise action. Car Hippolyte a un aspect négatif, est l’image de la morale
négative qui consiste à ne pas faire. Or la morale janséniste est positive et
insiste sur l’effort. Dieu vomit les tièdes et Hippolyte est un tiède. Dieu ne
peut que refuser sa grâce, même si cela doit choquer le sens de la justice.
[444] Mais l’engloutissement de la ville d’Ecca peut avoir une signification
différente de celle de châtiment. Comme nous l’avons vu dans le chapitre
consacré à la Princesse engloutie, c’est une sorte de victoire que cette noyade
qui permet à l’être de faire son retour à l’origine des choses. La ville
engloutie a quelque chose de commun avec le labyrinthe, d’abord parce qu’on ne
peut y pénétrer que dans certaines circonstances et en étant initié, en ayant
le mot de passe , ensuite parce que l’une et
l’autre représentent le fond de l’inconscient humain. Et cette perspective,
l’engloutissement d’Ecca et de son peuple peut passer comme un châtiment du
point de vue strictement sociologique, mais au point de vue religieux ou
mythologique, il peut être un succès total.
[445] Il faut penser à l’histoire biblique de Joseph et de la femme de Putiphar.
C’est une version sémite – ou hamite – du même mythe. On y trouve à peu près
les mêmes circonstances, Putiphar jouant le rôle de père adoptif, et Joseph
refusant l’offre, abandonnant son vêtement aux mains de la femme. Chez
Euripide, Phèdre, avant de se donner la mort, a écrit une accusation contre
Hippolyte.
[446] Racine, dans sa préface de Phèdre ,
déclare avoir jugé la dénonciation comme indigne d’une princesse.
Inconsciemment il a compris que Phèdre ne devait être pour rien dans la perte
d’Hippolyte, puisque celle-ci découlait de la non-observation du geis.
[447] On remarquera que tous les héros de Racine sont des crétins incapables
de volonté, persuadés de leur bon droit. Tout se passe comme si Racine avait
voulu se livrer à une entreprise de démolition du concept de héros. En cela il
rejoignait les conceptions jansénistes selon lesquelles l’homme, aussi puissant
qu’il soit, est un être faible et incapable de quoi que ce soit sans le secours
de Dieu. Par contre les femmes sont fort intéressantes, même celles qui
échouent. Il y a d’abord les femmes-monstres, les passionnées du type Hermione,
Roxane, Phèdre. Mais il y a aussi les soi-disant timides et douces, qui sont
bien plus redoutables parce que lucides, intelligentes, rusées et inébranlables
dans leurs décisions prises consciemment : Andromaque qui finit par
devenir reine d’Épire, ou Aricie qui recueille la succession de son
« geôlier » Thésée. Le « tendre » Racine, la
« douce » Andromaque sont autant de clichés à mettre à la poubelle en
compagnie des réflexions éculées sur les auteurs classiques ou romantiques qui
traînent malheureusement encore bien trop dans les livres scolaires.
[448] Cf. dans J. M., Les Celtes, le chapitre consacré à
« Taliesin et le druidisme », p. 341-382.
[449] Annales de Bretagne , XI, p. 174-177.
Voir le chapitre sur « la Grande Reine ».
[450] Nous avons parlé du début de ce conte dans le chapitre sur
« Notre-Dame de la Nuit ». Il développe un autre thème, celui de la
déesse-jument (Épona-Rhiannon).
[451] Comme le conte de Koadalan est une
sorte de pot-pourri de traditions diverses, le lien entre les différentes
parties n’est pas très apparent. Ici, on ne comprend pas très bien ce qui se
passe, car Koadalan oblige son père à aller le vendre – sans qu’il sache la
vérité – au marché sous forme de bœuf, puis de cheval. Quant aux diables, ils
apparaissent seulement à cet endroit du conte et doivent symboliser les ennemis
de Koadalan qui veulent s’emparer de ses secrets (ses livres de magie).
[452] Il est surprenant de retrouver dans ce conte armoricain
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