La Femme Celte
dans la mer, dans un lac, ou dans une
caverne profonde, elle n’est pas seulement Notre-Dame de Sous-l’Eau, ou
Notre-Dame de Sous-Terre, elle apparaît aussi parfois en pleine lumière. Mais
par sa nature, et parce que l’homme le veut, elle est insaisissable, elle
change constamment d’aspect, elle est multiple. Mais qui est en réalité
Notre-Dame de la Nuit ?
CHAPITRE III -
La grande reine
Depuis Lamartine et son « char vaporeux de la Reine des
Ombres », on ne fait plus guère attention aux terminologies employées pour
qualifier la Femme Divine : en vérité, ces terminologies sont devenues
souvent de tels « clichés » usés qu’on les juge tout juste bonnes à
ranger dans le musée des banalités. On a tort, comme on est coupable de ne pas
réfléchir plus profondément aux « Litanies de la Vierge »,
lesquelles, débitées nonchalamment pendant des siècles, et en latin, n’ont
guère éveillé de résonances que dans l’inconscient des fidèles. Les Litanies de
la Vierge, qui font partie du rituel catholique, ou du moins de ce qu’il en
reste, ne sont que la transposition symbolique et poétique d’une réalité
profonde, celle qui reste gravée dans l’âme du peuple, et cela en dépit de tous
les interdits et de toutes les menaces. Si la société paternaliste a supprimé
la Déesse-Mère, en la remplaçant, parfois par la force, par un dieu-père,
guerrier et jaloux de sa supériorité, la mentalité populaire l’a recréée sous
les traits de la Mère de Dieu et des hommes ,
constamment invoquée, constamment présente, toujours triomphante. Et l’Église
officielle a dû, bon gré, mal gré, suivre le mouvement, en essayant d’ailleurs
de vider le concept de toute sa signification et en faisant de la Théotokos un être asexué et « vierge »,
dont le caractère féminin n’est plus attesté que par l’aspect de mère admirable
et esclave du Fils . Ainsi le voulait la société
chrétienne du Moyen Âge, héritière de l’empire romain. Cette récupération d’un
Mythe fort ancien s’inscrit dans le cadre d’une action psychologique destinée à
détourner les forces spirituelles et psychiques de leur but primitif afin d’en
faire un instrument docile au service de la domination d’une caste, celle des
fidèles, par les nantis , prêtres et nobles, la
plupart du temps parfaitement athées, mais soucieux de ménager dans « ce
bas-monde », pour leur profit personnel, le paradis qu’ils promettaient
aux autres pourvu qu’ils voulussent bien être obéissants et ne pas se poser
trop de questions.
Le Culte de la Vierge Marie comportait cependant des germes
révolutionnaires, tant au point de vue spirituel qu’au point de vue social.
D’abord c’était revenir à un culte naturel et instinctif : celui de la
Mère. Ensuite, c’était reconnaître que si une femme avait perdu l’humanité
(Ève), une autre femme avait contribué à la sauver (Marie). Et cela, non
seulement redonnait à la Femme une place qui pour être théorique n’en était pas
moins reconnue, mais encore apportait la preuve que ce qui était rejeté comme
néfaste, ignoble et dangereux, pouvait devenir du jour au lendemain un objet de
salut et de vénération. En allant au fond des choses, tout cela mettait en cause
la morale traditionnelle du bien et du mal absolus, cela remettait en cause le
système même de logique dans lequel croupissait la Scolastique, héritière
monstrueuse de l’aristotélisme le plus étroit et du manichéisme le plus
primaire.
Cette constatation est d’une extrême importance, car elle
permet de se référer, pour l’étude de la déesse et de tous ses aspects, à
toutes les traditions écrites ou orales qui se trouvent en marge des courants officiels : ces
traditions reflètent non seulement la pensée inconsciente des masses
terrorisées par l’Enfer et le Bûcher, mais elles sont le seul lien avec les
époques antérieures. Pourquoi, à partir du XIII e et surtout du XIV e siècle, dénombre-t-on
tant d’ouvrages théâtraux consacrés aux « Miracles » attribués à la Vierge
Marie ? Pourquoi ces fameux « Miracles » nous montrent-ils la
Vierge arrachant à Satan le pacte par lequel il tient le clerc Théophile, ou
encore prenant la place d’une nonne qui avait fui son couvent pour mener la vie
d’une prostituée, de telle sorte que l’on n’avait pas remarqué l’absence de
celle-ci lorsqu’elle se décida à rentrer au bercail ? De
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