Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
austères ?
    – Pour le mariage de ma sœur… Ma demi-sœur, en vérité, car père l’a eue d’un premier lit… Béatrix épousait Olivier, le fils du seigneur… Le mariage s’était fait la veille du jour où ton père a été si vilainement traité… Béatrix est la filleule de Richard de Blainville…
    Cela expliquait que le malandrin eût choisi ce château pour la dégradation de Godefroy d’Argouges : il avait rassemblé, du jour au lendemain, deux cérémonies opposées : le bonheur avec sa protégée, le malheur avec un bataillard détesté.
    – Il me connaît depuis ma petite enfance, poursuivit Isabelle. Mais que t’importe la vie de nos familles !
    Son ombre dansait sur les murs ; Ogier la vit se dédoubler puis se reconstituer.
    « Ma vue se brouille », se désespéra-t-il.
    – Pourquoi êtes-vous venue dans ce trou ?
    Elle se courrouça :
    – Pour te demander pardon ! Je te l’ai dit en arrivant.
    Il ne pouvait pardonner. La malignité de cette fille avait fait de lui un impotent. Il eut un sourire tremblé :
    – Il se peut que je meure avant vendredi… Guichard d’Oyré a fait de moi un eshanché (211) . Et vous voudriez que je vous en sache bon gré ?
    – Si tu veux être un peu plus conforté, apprends que les quatre tournoyeurs de profession qui t’ont un moment défendu dans la presse – en dépit de tous les usages – avaient pris ton cheval et ton armure…
    – S’il m’en coûte d’avoir perdu mon armure, il m’est pénible de savoir Marchegai avec ces hommes !
    – Cesse de te lamenter : attends la suite !… Ton écuyer, qui ne possédait rien mardi matin, avait son escarcelle pleine à midi… juste au moment où les quatre seigneurs en haubert rouge prenaient congé du Roi d’armes… et de moi… Thierry – c’est bien ainsi qu’il se nomme ? – leur a racheté sans barguigner ton destrier et ton armure… Je ne sais qui lui a procuré ces écus…
    Comment Champartel rembourserait-il ce créancier ? Qui était-ce ? Où se trouvaient l’écuyer, Raymond, Saladin… et les bateleurs ?
    – Je te soulage en te disant cela ?
    – Oui… Quel jour sommes-nous ?
    – Jeudi soir. C’est demain à tierce qu’on te juge. Blainville et Alençon seront là… Moi, je serai loin, bien que l’évêque m’ait priée d’être présente… Il ne faut pas qu’ils me trouvent… Ils m’appliqueraient la question pour me faire avouer que j’ai menti en t’accusant d’avoir célébré Belzébuth !
    Ainsi, elle allait fuir !… Sa tante, elle, pourrait témoigner tout ce qu’elle voudrait. Harcourt se trompait donc en affirmant : «  Tu seras libre. » Si elle venait à Angle, dame Géralde, d’esprit rassis et revancheur, serait plus redoutable encore que sa nièce.
    Ogier s’accrocha à la petite main froide d’Isabelle :
    – Je vous pardonnerai si vous me dites tout ce que vous savez de Blainville.
    Elle parut accablée, honteuse, et se dégageant :
    – Je ne sais rien… ou si peu… À Hennebont, mon père et sa première épouse connaissaient les parents de Richard. C’étaient des pauvres. Il paraît que la mère avait servi chez Charles de Valois, le père de notre souverain et d’Alençon. Elle en était partie chassée par la seconde femme de messire Charles : Catherine de Courtenay. Pourquoi ? Je n’en sais rien… Ils ont tous, un jour, quitté la Bretagne. Je suis née longtemps après, et ce que je sais, c’est que lorsque mon père a trouvé Richard sur son chemin, celui-ci commençait à être quelqu’un qu’on respecte… et ses parents vivaient en Normandie… Peut-être Richard est-il un bâtard du prince Charles. Il est presque du même âge qu’Alençon…
    Isabelle ne put en dire davantage : Leignes l’avait saisie par l’épaule et la tirait hors du cachot.
    Elle se rebella si violemment que son flambeau tomba. La porte se rabattit et les verrous grincèrent. Ogier retrouva les ténèbres engourdissantes.
    « Blainville a un secret, sans doute sur sa naissance. Un secret qui l’a poussé à trahir. »
    Fermant les yeux, le crucifix en main, il se mit à prier.
     
    *
     
    Noir cru. Là-haut faisait-il jour ? Odeur de sang sec, d’urine, de crasse, de moisi. Que s’était-il passé, déjà ?
    « Il y a eu un cri… L’a-t-il violée ?… Puis, longtemps après, un autre cri. Ce n’était plus de la fureur : la fille était épouvantée… Puis, plus rien. Depuis, Leignes est

Weitere Kostenlose Bücher