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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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revenu me voir. Il attend, il me guette. »
    C’était une sensation affreuse, une ulcération en profondeur de sentir le regard du rustique glisser sur son corps pour en évaluer l’état de faiblesse.
    « Le froid s’empare de tes chairs. Remue doucement tes bras, ta jambe, et frotte ta poitrine. »
    Ogier souffrait à peine de ses blessures et comprenait qu’il suffirait d’un demi-jour ou d’une demi-nuit, moins peut-être, pour qu’il fut incapable de se défendre.
    « Il me faut tuer Leignes ! Le procès peut se retourner contre moi… Tuer Leignes… Prendre ses clés… Bastien, avant d’ouvrir à Harcourt, n’a-t-il pas parlé d’une corde ?… Leignes a menacé Isabelle de s’en servir pour l’attacher à la roue… Si je sors, la trouverai-je ?… Peut-être y en a-t-il d’autres sous le râtelier d’armes, là-haut… »
    Il dégagea la dague de sa gaine et fut bientôt assommé de fatigue. Quand il s’éveilla, recroquillé sur le flanc, il comprit avant même d’avoir vu le rectangle rougeoyant du guichet que le sergent l’observait.
    Dans son corps engourdi, son cœur éclata et le sang chauffa ses joues, ses oreilles. Le poignard… là… Encore heureux qu’il l’eût dégainé !… Il s’imprégna jusqu’à la douleur de ses contours durs et rassurants.
    « Le malandrin ignore que je l’épie… Il ne peut se douter que je sors du néant ! »
    Car il émergeait d’une sorte d’agonie sans rêve dont, maintenant, il subissait les affres.
    « Il va vouloir me tuer ! »
    Pourtant, Leignes semblait atermoyer encore.
    « Va-t-il entrer ?… Une fois que je l’aurai percé, je lui ôterai ses peaux de bêtes. Avec ça sur le dos, on me prendra pour lui… s’il fait nuit… Pourvu qu’il fasse nuit là-haut et que je puisse avancer ! »
    Le peu qu’il eût observé du château lui suffisait. Il y était entré côté colline ; en face, il y avait des murs construits sur la falaise dominant l’Anglin… Rivière profonde… Comment l’atteindre ? « Et ma jambe que je ne sens plus ! » N’allait-il pas hurler s’il parvenait à se mettre debout ? Ici, il avait essayé plusieurs fois. Le mal l’avait fait renoncer… Il s’abstiendrait de crier. Il délivrerait l’Anglais et celui-ci consentirait à l’aider. Il ouvrirait aussi les autres geôles…
    « Le voilà ! »
    Ce bruit doucereux, c’était bien une targette glissant lentement dans sa gâche…
    L’autre verrou, à présent. Il couinait un peu, celui-là… Ensuite, le craquement de la serrure, comme un bois qui se rompt… La fine raie d’or brun de l’huis décollé de son chambranle… La torche, au loin, sans doute enfoncée dans un anneau… Donc le malfaisant avait les mains libres… douze doigts disponibles… Une ombre… Voilà, il était là !
    Ni bouger ni broncher : Leignes allait devoir se pencher, amener ses mains immondes en avant.
    La chair d’Ogier devenait feu à force de patience et d’immobilité ; il avait sa dextre armée du poignard sous son coude gauche, la pointe de la lame piquant presque son aisselle. Il ne pourrait contenir longtemps les spasmes de haine et d’espérance agglutinés dans ses entrailles.
    Il sentit que la curiosité du geôlier s’avivait, et qu’il se demandait s’il devait parler avant d’agir. Blainville lui avait dit : « Tue-le  » ou plutôt «  Tue-les ! » En descendant dans cette crypte, Isabelle avait commis une imprudence mortelle.
    L’ombre… Un grand oiseau déployant ses ailes : le sergent écartait les bras.
    Il était trop tôt pour ouvrir complètement les paupières. Il fallait attendre.
    Frissonnant à l’idée que les mains répugnantes allaient atteindre son cou, le gisant écarquilla les yeux comme s’il s’éveillait. L’autre riait. Pour une fois, une expression de félicité défronçait son visage blafard.
    – Mon pauvre Fenouillet !
    L’exquise bestialité du plaisir homicide, si semblable au désir de possession charnelle qu’Ogier avait observé chez Leignes, en présence d’Isabelle, fut ce qui le décida. Il bondit sans prendre garde à sa jambe ; la lame jaillit, atteignit le ventre et s’y enfonça. La face extasiée grimaça tandis que les lourdes mains rétractées se portaient l’une sur la blessure, l’autre à la hanche pour y saisir un poignard. Et la stupeur du sergent était telle qu’il ne criait pas.
    Il branla la tête et son chaperon tomba.
    À nouveau la lame

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