Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
provoquait des nausées, des vomissements de fiel d’où il sortait haletant comme s’il réchappait de noyade. Il advenait que remuant la tête un peu trop vivement, son oreille touchât l’invisible rocher ; alors la caressant jusqu’à ce que la douleur en partît, il s’interrogeait, inlassable : là-haut faisait-il jour ou nuit ? Où était Blandine ? Que faisait-elle ? Que pensait-elle de lui ? Une ronde de fantômes emplissait son esprit : son père, inquiet à Gratot ; son oncle Guillaume croupissant, furibond, dans une geôle anglaise ; Thierry, Adelis, Bressolles, Benoît Sirvin, Saladin et Marchegai : il mêlait tout. Le froid brûlait ses yeux, son échine, ses membres, et le caillou grossissait sur sa langue.
    Il advenait, tant il l’avait empoigné, qu’il ne pût ouvrir sa main gantée de crampes sur le crucifix tiède et moite, ou bien qu’il le lâchât étourdiment. Aussitôt, l’épouvante éclatait dans son crâne. «  Où est-il tombé ? Bon sang, il doit être tout près ! » Il tâtonnait, grognonnait, s’insultait, violentait son cœur, se donnait des frayeurs et des coliques intenables jusqu’à ce que, dégouttant de sueur, il retrouvât enfin l’objet sacré. Alors, riant niaisement, il le fichait entre ses haut-de-chausses et sa ceinture, et s’il frottait, ensuite, ses doigts crochus, douloureux et tremblants, il tâtait fréquemment l’arme hypocrite pour s’enivrer de cette certitude excitante : il tuerait Leignes avant même que ce monstre ait porté ses mains à son cou. « Faites, mon Dieu, qu’il ne tarde plus ! » Combien d’hommes avant lui s’étaient putréfiés en ce lieu hanté par leur odeur et celle de leurs déjections ? De quels sévices avaient-ils trépassé ? Quels crimes leur reprochait-on ? Où se trouvait le moine de Chauvigny ? Était-ce un délit, pour monseigneur Fort d’Aux, de jeter l’anathème sur les tournoyeurs et de prophétiser la pestilence noire ?
    « Moi, je vivrai… J’épouserai Blandine ! » Sommeils brefs et réveils suffocants ; entre eux, une immobilité de pierre. Prier pour vivre !… C’était chose aisée avec la Sainte Croix d’Isambert…
     
    *
     
    Il se souleva sur un coude.
    Il croyait avoir entendu un bruit léger, tapotement ou clapotement. « Ce que j’ai froid ! » Il grelottait aussi de faim, de peur – surtout de peur. Était-ce vendredi ? Il suffisait de peu, maintenant, pour qu’il fut, même armé, incapable de se défendre.
    Il se redressa davantage. Ses paupières et ses prunelles s’irritèrent quand un trait livide apparut sous la porte. Une sorte de vibration s’ensuivit : le volet du guichet s’ouvrait avec délicatesse. Derrière, Leignes – bien sûr ! – eut un ricanement.
    – Approchez, venez voir…
    – Ouvre !… Oyré t’a dit de m’ouvrir.
    – Oyré, oui… mais pas Blainville… votre amant !
    – Tais-toi, Raoul, et ouvre, sinon, je vais quérir le capitaine !
    – Vous lui avez amené sa putain. Ils doivent déjà forniquer… Vous le savez : Fenouillet est mon prisonnier… À moins, si vous voulez que je vous ouvre…
    – Parle !… Que veux-tu dire ?
    – Jurez-moi de vous ouvrir comme vous vous êtes ouverte à Blainville. Je vous laisse entrer, vous me laissez entrer…
    – Immonde porc !… Blainville n’a rien obtenu de moi.
    – Ha donc, c’est pour cela que sa fureur est grande et qu’il m’a…
    – Que t’a-t-il dit ?
    « Il rit. Il la domine… Pour le moment, il règne dans ces catacombes ! »
    Et soudain, cette phrase insensée, cette reddition incroyable venant d ’elle :
    –  Soit, je t’accorderai ce que tu me demandes… mais après que je l’aurai vu.
    – Jurez-le !… Jurez-le sur votre âme.
    – Sur mon âme !… Es-tu content ?… Oh ! non, lâche-moi… Tu m’as assez tâtée, là-haut, pour voir si je ne lui apportais pas une arme… Tire ces verrous !
    Ogier s’était adossé au rocher, la lame du crucifix sous la cuisse de sa jambe valide. Il vit la porte béer. Après s’être protégé les yeux de son avant-bras, cillant et larmoyant d’éblouissement, il grogna :
    – Isabelle… Quel vent de mort vous amène ?
    Son balandras (210) de lin vert tendre lui donnait l’aspect d’un fantôme. Autant qu’il pût en juger, sa face immobile, entre ses tresses effilochées, avait une pâleur maladive. Le regard aigu, dévorant, dont il gardait un cruel souvenir,

Weitere Kostenlose Bücher