Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
malandrin n’aura pas vécu longtemps après son forfait !
    – Je dois mes tourments à cette fille, messire Calveley ; mais tout de même… Voyez : le branle (213) fait trembler mes mains… Allons, pas de pitié !… Il faut sortir d’ici…
    – Tous les hommes de cette bastille sont à la semblance de ce sergent…
    – Hâtons-nous… Je ferai ce qu’il faudra une fois là-haut… Oui, n’en doutez pas : je marcherai et me tairai… mais il va falloir me porter dans cet escalier.
    – Je mesure plus d’une toise et suis robuste !
    – Si un homme apparaît… ou plusieurs, je me battrai. Je doute pourtant d’avoir la force d’en occire… Passez-moi la torche… Laissez-moi m’appuyer ainsi sur votre dos… Allons-y doucement…
    L’escalier volutait. Le blessé pesant sur son échine et ses épaules, Calveley en gravit les premiers degrés sans difficulté. Il avançait prudemment, s’accrochant aux fissures et aux excroissances gluantes lorsqu’il craignait de trébucher. Ogier le trouva solide, déterminé. S’ils parvenaient à atteindre l’Anglin – sa jambe, lorsqu’il nagerait, cesserait de le tourmenter –, ils seraient saufs : ni les chiens ni les hommes ne les retrouveraient.
    – J’ai pourpensé cette fuite, messire. Nous n’irons surtout pas vers les champs, les forêts. Nous reviendrons à Chauvigny. Ils ne pourront nous croire cette audace… audace nécessaire : un mire que je connais me soignera, car c’est chez lui qu’il faut aller.
    L’Anglais progressait toujours dans l’obscurité couleur d’ambre. Il chuchota :
    – Il nous reste dix marches. Je les avais comptées à la descente.
    La porte apparut, armée d’épaisses pentures, vermiculée de suints d’humidité.
    – Elle doit être ouverte, dit Ogier, puisque Leignes allait remonter…
    Argument peut-être absurde : le sergent aurait pu frapper et demander qu’on lui ouvrît. Il dénoua ses mains du cou de Calveley :
    – Laissez-moi glisser lentement…
    Entre complices, le messire et les courtoisies étaient inutiles. Rien n’eût pu les unir mieux que cette évasion.
    – N’ayez crainte, je ne crierai pas.
    Ogier se reçut sur sa jambe valide. Aussitôt, l’Anglais grimpa les deux marches restantes et colla son oreille contre l’ais de bois visqueux.
    – Je crois qu’il n’y a personne.
    – Bon… J’éteins cette torche et nous entrons. Préparez votre lame…
    Ogier enfouit le fourreau du crucifix entre sa peau et son surcot de bourras, posa légèrement sa jambe rompue sur le sol et avoua :
    – J’ai mal… mais vous me soutiendrez si je vous en prie.
    Calveley entrouvrit la porte ; un souffle d’air extérieur lécha le visage d’Ogier. Il se sentit vivifié, capable de franchir tous les obstacles ; et l’Anglais devait avoir aussi cette conviction : il souriait.
    – Personne, chuchota-t-il. Goddam ! je crois rêver…
    – Leignes était de service, les autres en ont profité pour célébrer je ne sais quoi.
    Des chants traversaient le silence, accompagnés des grincements d’une vielle.
    – Tandis qu’Oyré fornique, ses suppôts s’égaient à leur façon.
    – Se peut-il que nous réussissions ? Se peut-il que ce soit si simple ?
    – Pour le moment… Aidez-moi…
    Bien que soutenu par l’Anglais, Ogier retint un râle de douleur.
    – Poussez cette porte. Si la salle, derrière, est vide, c’est que la Providence est avec nous…
    L’huis béa sur la profondeur obscure de la pièce où Bastien et les geôliers les avaient accueillis.
    – Vide ! souffla Ogier.
    – Non, dit l’Anglais.
    Deux formes remuaient et grondaient sous la table jonchée des reliefs d’un repas. Au centre, une chandelle brûlait. Dehors, ce devait être la nuit.
    Les chiens s’approchèrent. Ils étaient capables de bondir et d’aboyer, mais leurs grognements n’exprimaient aucune malveillance. Ogier connaissait trop les animaux de cette espèce pour savoir que ces deux-là, repus de mangeaille, ne songeaient qu’à dormir. Lâchant son compagnon, il fit une enjambée douloureuse et, leur présentant le revers de sa main, il chuchota des mots doux :
    – Beaux… tous beaux… Voyez comme ils sont paisibles…
    L’une des bêtes – une femelle – flaira ses chausses. Ce qu’il y subsistait d’odeur de Saladin suffit à la mettre en confiance : il put la caresser entre ses oreilles plates et tombantes ; elle étira son cou d’un mouvement de

Weitere Kostenlose Bücher