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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’adoucit.
    – Il fallait que je vous voie.
    Isabelle se retourna :
    – Recule un peu, Raoul !
    La torche du malandrin s’enfonça dans la pénombre. La donzelle fit un pas. Elle tenait un flambeau, elle aussi. Elle l’éloigna de son visage pour se pencher et murmurer :
    – Pardon.
    Si la visite de Godefroy d’Harcourt avait ébahi Ogier, celle-ci lui paraissait incroyable. Isabelle était là, presque aussi angoissée que lorsqu’il l’avait vue dans la forêt harcelée de vent et de pluie, liée à un arbre, au pouvoir des Bretons.
    La bouche se pinça en un furtif sourire. La voix devint chuchotement.
    – Je sais qui tu es… Isambert me l’a dit.
    – Vous a dit quoi ?
    –  Ton nom… le vrai… Je ne le prononcerai pas, mais je le sais.
    – Que pouvez-vous savoir ?… Et comment ?
    – J’étais au château d’Harcourt quand le moine est venu prévenir Godefroy le Boiteux que ta vie, à Angle, était menacée par Blainville. Oh ! ils ne m’ont pas vue…
    Isabelle émit un petit rire grêle :
    – J’ai compris que ces deux-là te voulaient du bien… Mais tu vois : un grand seigneur comme ce Normand ne se méfie pas assez de lui-même… Certes, il était chez sa sœur, bien quiet. Moi, j’y étais allée pour rendre ma couronne à dame Alix…
    La visiteuse tressaillit. Il semblait qu’elle eût peur d’elle-même ou de son ombre, sinon des flammes qu’elle brandissait. Aussi belle qu’elle fût, elle demeurait horrible. Rien de bon, ni pour lui, Ogier, ni pour elle, ne pouvait résulter de leur rencontre. Un étrange instinct les avait rapprochés une nuit l’un de l’autre. Elle s’était révélée diabolique, injuste, cruelle, acharnée. Sa visite décevait un innocent dans toute l’acception du terme. Son «  Pardon  » et son repentir tombaient à plat.
    – Je n’ose revenir auprès de mon oncle… et de ma tante. Elle t’a rejoint – pas vrai ? – la nuit de ton arrivée… Si elle n’a pas d’enfant cette année, moi, à sa place, je ferais un pèlerinage à Saint-Jacques ou à la Vierge noire du Puy… C’est moins loin !… Tiens, j’y pense : j’aurais dû l’envoyer au clocher de Morthemer. Non… Avec celui-là, c’était impossible : elle l’aurait dénoncé. Pourtant, il est bel homme.
    Elle s’exprimait avec une incohérence de plus en plus évidente. Elle frémissait. Elle devait avoir fait allusion à Chandos. Elle poursuivit en se frottant les bras :
    – Harcourt chevauche vers la Bretagne… Tu dois te demander où je gîte, puisque je n’ai pas regagné Morthemer… Je couche chez les Gouzon. Par la bonne baronnesse, j’ai fait mander Isambert au château… Il faut te dire aussi que je connais ce moine… Je viens souvent à Chauvigny… Bon. Où en suis-je ?… Ah ! oui, le clerc… Je l’ai reçu dans la petite armerie du baron, et tu comprends qu’il m’était aisé, ainsi, d’avoir une lame à portée de la main.
    Isabelle eut une espèce de roucoulement.
    – Il ne s’y attendait pas… Quand j’ai appuyé la pointe d’acier sur sa gorge, il est devenu vert !
    Où était le vrai, le réel, dans tout cela ? Que savait-elle ?
    – Pourquoi ne m’as-tu pas dit la vérité dès que tu m’as rencontrée ? Tu n’en serais pas là !
    Était-il prêt à défaillir ou bien était-ce elle qui, à plaisir, mêlait les faits et les personnes d’une inextricable façon ?
    – Tu m’avais abaissée en refusant de porter mes couleurs… Je me suis bien vengée !… Je ne veux pas qu’on m’humilie !
    Elle l’excédait au point qu’Ogier l’implora :
    – Laissez-moi !… Je ne comprends rien à ce que vous dites… Et puis, vous m’avez fait suffisamment de tort par votre malignité, vos mensonges…
    Aux pieds – malgré lui – de cette fille dont il n’avait su ni percevoir ni flatter l’orgueil absurde, il mesurait plus encore qu’en présence d’Harcourt, son impuissance et sa faiblesse. Qu’il l’eût délivrée de Guesclin et de ses compagnons, soit ; mais jamais il n’aurait dû l’accompagner à Morthemer. Si Adelis avait vécu, elle l’eût mise en garde contre cette diablesse… Pauvre Adelis !
    – N’aie crainte pour Raoul : il est assez loin de nous… Je l’ai accoutumé à m’obéir comme un chien…
    Elle parlait bas, avec une espèce de précaution enfantine. Il voyait, lui, pareille à celle d’un ours, remuer l’ombre du sergent. Leignes venait de passer

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