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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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entré dans une taverne d’Archigny où dansait une fille du nom d’Hérodiade, tu aurais retrouvé Blainville. Jamais nous ne nous serions rencontrés. N’oublie pas quelles sont mes armes : d’azur à deux lions d’or affrontés…
    –  Conserve en mémoire les miennes :…Soit, dans ta langue, d’argent à une fasce de gueules entre trois veaux de sable… et comme il y a du veau dans mon nom, j’ai fait sommer mon heaume d’une tête de cette bête !
    – Je m’en souviendrai ! Et s’il t’advient de rencontrer Guichard d’Oyré sur ton chemin, défie-toi de ce linfar (219)  !
    Benoît Sirvin posa sa paume froide et rugueuse sur le front d’Ogier :
    – Surtout, ne remue pas… Odile va vous apporter de quoi vous vêtir et de quoi manger. Demain, l’Anglais, je vous trouverai un bon cheval et une arme… Où voulez-vous aller ? Guyenne ou Bretagne ?
    – Bretagne… Ayez le cheval le matin, je partirai à none.
    – À ta place, j’aurais attendu deux jours, mais je ne te retiens pas…
    – Ni moi, dit Ogier. Si, de retour dans ton île, tu apprends qu’un Guillaume de Rechignac est enfermé dans une geôle, viens-lui en aide : il est mon oncle.

III
    – Il est parti ?
    – Je l’ai mené au-delà de l’enceinte. Il chemine vers Parthenay… Il ne fera, n’aie crainte, aucune malencontre… Comment te sens-tu ?
    – Ma jambe me gratte un peu. J’ai moins mal à l’oreille…
    – Évite de remuer. Dans quinze jours, tu pourras lembourder (220) quelques moments seulement…
    Ogier grimaça. Quinze jours d’immobilité sur une couche posée à même le pavement de cette pièce grise, entre la table et la librairie…
    Il regarda les coffres, le long des murs. Celui du milieu, au cuir renforcé de ferrures, semblait près de crouler en débris. Les deux autres, au devant de bois sculpté, représentaient dans chacun de leurs panneaux, l’un saint Michel, saint Sébastien et saint Bernard, surmonté d’une effigie de femme assise sur une étoile ; l’autre des animaux : un aigle, un taureau, une chèvre.
    – Avez-vous appris quelque chose sur Angle ?
    – Fort d’Aux semble vouloir y demeurer. Oyré et les geôliers ont dû faire disparaître les deux corps dont tu m’as parlé. Le bruit court qu’ayant échappé aux sergents dès ta venue, tu t’es noyé dans l’Anglin.
    Benoît Sirvin marcha en s’aidant de sa corne de narval. Affleurant parfois les pans effilochés de sa robe noire, Ogier voyait ses sandales, d’un cuir apparemment aussi ancien que les couvertures de ses livres.
    – Qu’est-il advenu d’Herbert Berland ? Pendant le tournoi, il a vidé les arçons…
    – Il s’est rompu les bras… Un autre que moi l’a soigné.
    – Sa fille ?
    Benoît Sirvin eut un rire léger, moqueur ou mélancolique. Il ferma l’antiphonaire posé sur le lutrin et, se penchant, toucha le cœur du garçon du bout pointu de sa corne :
    – Tu en es épris ?
    – Il se peut… Je ne cesse d’y penser.
    Le vieillard regarda le plafond étoilé :
    – Tu la reverras… Quand ? Je ne le sais trop.
    – Si on a parlé de ma mort…
    Reprenant soudain sa marche, le mire passa devant l’échelle dont Ogier conservait un souvenir désagréable.
    – Cesse de geindre ainsi. Ce qui doit être sera… Tu penses que tu vas languir en ces murs ? Je te réponds non si tu sais tirer profit de mes enseignements et de certains livres et grimoires que tu vois là.
    – Que pourraient-ils m’apprendre ?
    Benoît Sirvin s’arrêta :
    – Le passé… l’avenir… la sagesse des hommes. La vaillance des uns, la turpitude des autres… Et qui sait si, en lisant bien, tu ne saurais pas pourquoi ces Teutoniques sont venus en Poitou !… De loin en loin, ils visitent les anciennes commanderies du Temple… Et sais-tu combien il y en avait ? Non, bien sûr… Eh bien, elles étaient une vingtaine.
    – Que cherchent ces hommes ?
    – Des témoins, des traces… des noms… Ils sont même venus jusqu’au pas de ma porte… L’un des deux portait une plaie au bras et souhaitait que je le soigne… Peut-être se l’était-il faite lui-même…
    Qui était ce Sirvin ? Comment avait-il vécu avant de venir s’établir à Chauvigny ? Ogier se souvint que lorsqu’il l’avait soigné dans sa crypte si étrange où s’empoussiérait un gonfanon haussant, le vieillard lui avait dit avoir acquis son savoir à Salerne. Qu’avait-il fait avant ?
    –  Quel

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