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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tandis que la lancinante incertitude s’imposait une dernière fois à son esprit : allait-il remarcher comme avant ?
    – Par Dieu, dit-il, on dirait un cierge !
    – N’aie crainte, ton mollet et ton jarret redeviendront ce qu’ils étaient… Je savais que la plaie se guérirait d’autant plus que j’avais aménagé dans tout ce plâtre une lunette afin de la soigner tout en surveillant sa guérison. C’est ton os qui me souciait… Lève-toi.
    Frémissant de crainte, Ogier obéit et s’aperçut qu’il vacillait. Sa jambe était si légère qu’il n’osait peser dessus.
    – Fais trois ou quatre pas…
    Il obtempéra, boitillant un peu. Mouillé de sueur, il s’inquiéta :
    – Mon os est-il solide ?… Vais-je clocher ?
    Passage de l’état d’impotent à celui d’ingambe.
    Incroyable… Cela paraissait si aisé, autrefois, d’avancer…
    – Ta jambe est robuste. Appuie dessus… Marche… et dis-moi : si tu avais Blainville face à toi, maintenant, tirerais-tu l’épée ?
    Sirvin riait. Comment lui en vouloir ?
    – Il me percerait sans mal… Il me faut pourtant partir, chevaucher, confondre ce félon !… Je n’en puis plus d’avoir trop attendu !
    – Je te comprends, mais il faut reformer tes muscles… Voilà ce que tu vas faire pendant une semaine…
    – Une semaine !
    Immobile, près de la lucarne et devant cette campagne dont il pourrait bientôt fouler les herbes, les coquelicots et les sermontaises avec volupté, Ogier trouva sept jours aussi longs que sept semaines.
    – Avoue que c’est peu, reprit le mire. Souviens-toi de l’état dans lequel tu te trouvais quand l’Anglais et le marchand t’ont déposé devant mon seuil… Je vais te montrer des mouvements. Tu les répéteras autant que tu le pourras, en te ménageant des moments de repos… Dis-toi que, malgré ta fermeté d’âme, tu ne pourrais chevaucher longtemps… Je t’ai sauvé, je t’interdis de te regimber : les muscles et l’os, tout se tient ; ne pas affermir les uns, c’est rendre l’autre fragile… Comprends-tu ?
    – Quels sont ces mouvements ?… Ah ! messire, vous connaissez mon attachement à votre personne. Je vous dois pour votre bon accueil, vos soins et votre sollicitude, une reconnaissance infinie… Il n’empêche que j’ai hâte de partir. Nous avons dépassé la mi-juillet ; il se peut qu’Édouard ait débarqué… Et moi, je suis ici…
    – Si les Anglais ont envahi la Normandie, nous le saurons bientôt… Console-toi en te disant que ton destin n’est en rien lamentable. Voilà un mois que je t’ai fait don d’une épée pour t’exercer, presque immobile, il est vrai, dans ce petit jardin où nul n’a pu te voir… Ainsi, tes bras sont demeurés solides. Je te fournirai un haubert et un heaume, des éperons d’or et un écu sur lequel, demain, tu peindras tes lions équeutés. Tu le placeras dans un étui de cuir… Je vais te trouver le roncin qu’il te faut… Ainsi, tu seras prêt pour combattre et chevaucher. Après, nonante (223) jours de réclusion, une semaine à te refaire une jambe, par Dieu, ce n’est rien… Et tu me dois bien cette obédience-là !
    – Oui, admit Ogier à contrecœur.
    – Jusqu’à mercredi prochain, tu vas marcher, marcher, lever et abaisser ta jambe. Allongé sur le dos, tu la ploieras autant que tu le pourras… J’accrocherai des boules de plomb à ta cheville et j’en mettrai de plus en plus… Tu vas souffrir d’une autre façon mais, crois-moi, tu pourras bientôt courir, sauter, prendre appui fortement sur ce membre pour frapper d’estoc et de taille… Le 27 à midi, tu auras ton cheval ; tu partiras le lendemain à l’aube…
    – Pourquoi ne pas le quérir avant ?
    – Parce qu’il n’est pas prêt et parce que le 28 te sera favorable…
    – Soit, dit Ogier, résigné.
    – N’aie crainte, je ne te retiendrai pas !
    Le mire donna un coup de pied dans les débris de plâtre, et Ogier fut ébahi par cette façon furieuse de se soulager d’un émoi dont, vraiment, il n’eût dû avoir aucune honte.
    – Que dit-on en ville, messire ?
    Le vieillard haussa les épaules :
    – Les manants mènent leur vie de chaque jour, et l’évêque est à Poitiers… Et veux-tu que je te dise pourquoi les Goddons ne sont pas en Poitou ?… Eh bien, c’est que le siège d’Aiguillon dure… Ils croyaient lasser le duc Jean à force de résistance, mais il n’est pas pour rien le fils de Philippe

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