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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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âge avez-vous, messire ?
    – Si je te réponds cent, tu ne me croiras pas… Et tu auras raison !
    Disant cela, le mire leva les yeux vers le plafond comme pour saisir dans le mystérieux agencement des étoiles qui s’y trouvaient peintes, une réponse à quelque question immédiate et importante. Le peu qu’Ogier put voir de son visage avait la pâleur de la chandelle posée au-dessus du lutrin.
    Soudain, se dirigeant vers le coffre de cuir, le vieillard en tira une cervelière d’un travail byzantin dont il parut tenté de se coiffer avant de la tendre à son patient.
    – Cette défense est belle… et vieille, messire !
    Le timbre était de fer épais, peint en ocre rouge, recouvert par une couronne formée de six branches dorées, rivées sur la calotte et unies, au sommet, par une rondelle surmontée d’un gland d’or. Le bord de la coiffe, rapporté et rivé, était ornementé par une végétation à laquelle s’entremêlaient des caractères arabes.
    – Il lui manque le nasal… Jacques de Molay (221) l’a perdu peu avant qu’on l’arrête. Il tenait à cette défense… Il disait que le grand Saladin la portait à la bataille… ou plutôt : l’avait portée…
    Le Temple, de nouveau !
    – Avez-vous connu Jacques de Molay, messire ?
    Sirvin soupira, plutôt que de répondre. Il n’en fallut pas davantage pour qu’Ogier, attentif, lui attribuât une jeunesse chargée en guerres et combats de toute sorte. Cet homme-là, avec sa barbe blanche, sa robe de deuil, ses secrets, était-il un ancien Templier ? Certains avaient échappé à la fureur de Philippe le Bel et de son âme damnée : Nogaret.
    – Il m’importe peu que vous ayez porté la Croix sur un blanc manteau, messire. Au contraire ! Ma jeunesse a été nourrie par les récits des prouesses de ces bataillards. Mon père m’en parla, mon oncle également, et leurs chapelains n’y voyaient point malice…
    Inclinant soudain à la confidence, Ogier ajouta qu’il admirait toujours ces prud’hommes, les trouvant plus religieux que certains évêques et peut-être que le Pape. Et l’on avait versé sur eux des torrents de boue. Peu lui importait que leurs mœurs eussent été grossières et qu’en plus de Celui dont ils portaient la Croix sur leur tabard, ils eussent adoré une idole dont on ignorait le culte et l’apparence : le Baphomet. Dès lors qu’ils accomplissaient le devoir sacré de conserver le pays du Christ aux peuples du Ponant, tout n’était-il pas pour le mieux ? Leur extermination le troublait d’autant plus qu’il venait de connaître l’angoisse des geôles et la férocité des bourreaux.
    – Jamais la Palestine n’aurait dû repasser sous le joug des mahomets, Ogier… Quand le dernier homme d’Occident a quitté ce pays de rochers et de sables, il l’a livré pour dix siècles sans doute à la fureur sanglante des Infidèles !
    – Un de mes lointains parents, messire, Gilles de Kerenrais, fut le compagnon de Guillaume de Beaujeu, Grand Maître du Temple. Au dire de mon père, ce Guillaume était charitable et libéral, mais c’était aussi un guerrier plein de vaillance.
    – Il mourut à Saint-Jean-d’Acre pendant l’assaut donné par Meleca-el-Esseraf, le nouveau sultan du Caire et ses hommes…
    Sirvin s’approcha de sa librairie, tendit l’index vers un gros livre, et dit :
    – Son histoire est dedans. Tu pourras la lire.
    – Qui êtes-vous, messire ?
    – Un passant comme toi, sur cette terre… Un homme qui voudrait se décharger d’un souci si ce n’est d’un fardeau qu’il te confiera peut-être. Il faudra que tu reviennes céans une fois encore… La dernière…
    Ogier posa la cervelière sur le pavement et, levant les yeux :
    – Messire, dites-m’en davantage… Vous avez parlé de Jacques de Molay… L’avez-vous connu ?
    – Oui.
    Benoît Sirvin s’était approché. Avec une promptitude incroyable pour son âge, il saisit la coiffe de fer sarrasine et s’en fut la déposer dans le coffre.
    – Si vous avez connu et servi Jacques de Molay, messire, c’est que vous apparteniez au Temple !
    – Il se peut.
    – Il se peut aussi que vous sachiez pourquoi ces lointains chevaliers sont venus en Poitou… Il se peut que vous sachiez où se trouve ce qu’ils semblent avoir cherché en vain.
    – Il se peut.
    Ogier décida de se taire. Le mire se remit à marcher, son long bourdon d’os spiralé tapant à chaque pas une dalle.
    – J’ai

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