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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chants, messire, à ce que j’ai compris, car je sais un peu de latin…
    – On louait Dieu autrement…
    –  J’ai vu sur un feuillet la croix du Temple.
    – Cet ouvrage fut fait à Jérusalem, aux temps les meilleurs de l’Ordre… Bon, voilà des éclisses et de quoi les faire tenir…
    Benoît Sirvin se pencha sur la plaie ; Ogier ne put voir l’expression de son visage.
    – Hé bien !
    – Va-t-il falloir me couper cette jambe ?
    – À un ou deux jours près, j’y étais contraint pour cause de gangrène : les ulcères commencent à paraître… Ton oreille, elle, peut attendre jusqu’à demain…
    Le mire quitta la pièce. Il y revint bientôt, apportant une bassine fumante, odorante. La vieille femme en robe noire qu’Ogier avait aperçue deux fois le suivait, tenant d’une main une panière emplie de linges et de fioles, et de l’autre des ceintures de cuir et un rouleau de corde.
    – Holà ! s’étonna Calveley. Allez-vous le pendre ?
    – Oui, la tête en bas.
    – C’est folie !
    – Aie confiance, Ogier… Aide-moi, Odile, à nettoyer cette navrure putride…
    Ogier ne put se retenir de gémir tant sa plaie, corrodée par les remèdes, semblait rôtir et béer. Calveley, qui lui tenait la main, demanda :
    – Est-il perdu pour la Chevalerie ?
    – Non, mais il était temps… Lie-le bien, Odile. Allons, Fenouillet, fie-toi à mon savoir. Avec ces ceintures, elle va te maintenir les bras le long du corps pour que tu remues le moins possible. Au lieu de t’indigner, pense que ta male chance a un peu de bon : cet os qu’on appelle tibia, plutôt que d’éclater sous le heurt, s’est rompu en deux, et les fractions se sont disjointes. Il faut, pour qu’elles se ressoudent, que nous réduisions cet écartement… Adonques, nous allons t’étirer la jambe afin que les parties se présentent l’une en face de l’autre et adhèrent quand nous cesserons de tirer. C’est une des remises en place les plus connues du Traité des Articulations d’Apollonios de Cyzique, en usage depuis plus de mille ans et que j’ai pratiquée moult fois… Nous allons te hisser par le pied le long de cette échelle afin d’obtenir un allongement parfait…
    Benoît Sirvin, d’un geste, enjoignit à Calveley d’approcher.
    – Voyez cette garouenne (217) à la jointure du mur et du plafond, et la poulie qu’elle supporte.
    – Je les vois, juste au-dessus de l’échelle.
    – Bien… Prenez cette corde, montez et passez le chanvre dans la poulie… N’ayez crainte : tout tient solidement… Bien… Redescendez et nouez solidement l’extrémité de la corde autour de la cheville senestre… Serrez bien, surtout !… Nous allons le transporter doucement… Tandis que nous tirerons, Odile, tu maintiendras l’autre jambe.
    Le mire se pencha sur Ogier :
    – Nous lierons la corde à un barreau et tu resteras suspendu le temps que je remédie à la cassure… Si ta jambe est insuffisamment étirée, l’Anglais, de tout son poids, te tirera vers le bas… C’est te dire que nous allons te faire mal. Mais tu remarcheras !
    Ogier regarda le plafond. C’était bien un ciel étoilé. Si peu qu’Arnaud Clergue lui eût enseigné l’art de lire dans les étoiles, il reconnaissait certaines constellations : l’Aigle, le Bouvier, le Dragon, la Grande Ourse, le Taureau et le Navire…
    Il se sentit soulevé, placé la tête en bas, les fesses et le dos le long des échelons. Et il hurla : sans l’avoir prévenu, Sirvin et Calveley avaient tiré sur la corde.
    C’était trop douloureux, plus encore que lorsque Guichard d’Oyré l’avait frappé avec sa barre de fer. Il perdit conscience.
     
    *
     
    Quand il rouvrit les yeux, il reposait sur la table. Benoît Sirvin trempait des bandelettes dans une solution de laiteuse apparence puis les enroulait autour de la jambe traversée de feux dévorants du genou à la cheville.
    – Ah ! tu t’éveilles… Sache-le : j’ai enlevé tes attelles… Tu vois, j’enroule autour de ta jambe ces linges trempés dans du plâtre. Ils maintiendront ce membre aussi bien sinon mieux quand ces bandages seront secs.
    – Avez-vous réussi ?… J’ai mal…
    – Je crois… Tu as bien fait de défaillir : j’ai dû extraire un fragment d’os. Un si petit éclat que son absence ne pourra compromettre ta guérison.
    – Quand pourrai-je marcher ?
    – Si tu tiens à te mouvoir sans clocher, il te faut m’obéir.
    – J’aurais

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