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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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les chiens, une vingtaine, aboyaient hargneusement ; des portes, faisant office de bersails (262) hérissées de flèches, deux chariots légers. Suspendues à des trépieds de fer, des bassines fumaient sur des feux de fagots.
    – À terre, les Franklins ! dit le prince Édouard.
    Il eût pu dire : Pied à terre. Ogier trouva ce jeu de mots absurde, facile et indigne d’un futur souverain, mais se garda d’en paraître affecté. Sa mission lui devenait pénible.
    Il remit sa lance à un sergent, quitta sa selle et caressa la joue de son cheval, une noble bête pommelée prêtée par Alençon lui-même.
    « Que va-t-il se passer, maintenant ? »
    Il distingua, au loin, les scintillements d’une armée en marche. Vers où ? Il avait chaud. La fatigue des jours de chevauchée persistait en lui, plus pesante que la veille, et sa jambe endommagée le portait mal.
    – Le roi va vous recevoir, dit Édouard de Woodstock.
    Il avait l’accent traînant et râpeux d’un jouvenceau dont la mue s’achève. Et voyant les hommes d’armes de l’ambassade se grouper autour de la bannière :
    – Holà ! messires les chevaliers, dites à vos compagnons de ne rien craindre de notre part !… Qu’ils aillent plutôt boire la soupe en compagnie de nos brigands (263)  !
    – Certes non, monseigneur, se regimba Ogier, car cette soupe, à leur palais, aurait le goût du sang que vous avez versé, vous, votre père et vos alliés, sur ce terroir si paisible à l’ordinaire.
    – Effronté !
    Sous son bassinet déclos dont le camail de mailles aggravait l’étroitesse, Ogier hocha la tête. Sans plus. Le Moyne de Bâle fit un pas :
    – Une telle audace, Prince, dit-il de sa voix grognante, a au moins un mérite : si elle blesse, elle ne tue pas.
    – Bénissez Dieu d’être ce que vous êtes !
    Édouard de Woodstock appela un de ses compagnons. Celui-ci le délivra de sa coiffe de fer.
    Il avait bien la tête qu’Ogier avait imaginée : un front haut, un nez long à l’arête mince, et sous la bouche large un menton arrogant. Le cheveu blond-roux était court et bouclé. Un grand sourire fit apparaître des dents carrées :
    – Voilà le roi d’Angleterre !
    Un homme sortait d’un pavillon de toile bise. Grand, blond – cheveux longs, barbe fournie –, il avait avec son fils une ressemblance étonnante. On eût pu le prendre pour son frère aîné. Une cotte écartelée d’azur et de gueules couvrait presque toute son armure. La demi-manche dextre rouge, frappée des trois léopards, la senestre d’azur semée des lis de France. Même disposition pour le poitrail et les hanches. D’un ton à la fois confit et amusé, tandis qu’il se portait à sa rencontre, Édouard de Woodstock s’écria :
    – Père, vous avez de la visite. Ces hommes sont l’ambassaderie que vous envoie votre cousin Philippe.
    Sa custode à la main, Ogier allait marcher en direction du roi lorsque celui-ci se détourna vers une tente proche de la sienne :
    – Sortez, Godefroy !… Philippe nous envoie un message.
    Le cône de tissu gris s’entrouvrit et Godefroy d’Harcourt apparut.
    – Toi !
    – Moi, dit Ogier à peine troublé par cette rencontre.
    – Mes gens m’avaient annoncé ta mort.
    – Je suis sorti d’Angle à temps… avant que Blainville ne me fasse étrangler par Leignes… et me voilà !
    – Solide sur tes jambes !
    Ogier sentit de l’amertume dans la voix du Boiteux.
    – Un mire m’a guéri juste à temps.
    À quoi bon en dire davantage. Le Normand ravageur clopinait à sa rencontre ; le roi d’Angleterre, déjà, s’arrêtait devant lui. Agitant sa custode, il déclara qu’il était sous la protection des lois de la guerre et qu’il espérait pouvoir regagner sans dommage les rives de la Seine.
    – Pour qui nous prends-tu donc ? dit Godefroy d’Harcourt.
    Le garçon faillit répondre : « Pour ce que vous êtes », mais avant même de saisir la custode, Édouard III, en riant, s’adressait à son claudicant allié :
    – Vous avez l’air de fort bien vous connaître !
    – Il est Normand, fils d’un de mes voisins.
    Le regard du Boiteux tomba sur le Moyne de Bâle ; il cessa aussitôt de parler, ce dont Ogier lui fut reconnaissant : nul ne devait savoir que Godefroy d’Argouges, père du présent ambassadeur de Philippe VI, avait favorisé sa fuite en Brabant. Habilement, il fit diversion :
    – Majesté… et vous, Prince, ce jeune chevalier est un

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