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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’une voix geignarde et véhémente. Il n’y a qu’un seul homme – moi – capable de s’acquitter au mieux de cette tâche, et vous envoyez à Édouard ce…
    – La paix, Richard ! hurla le roi. J’ai tranché. Je ne reviendrai pas sur cette décision.
    Ogier regarda enfin les trois hommes attentifs, derrière Blainville. Deux d’entre eux, assez grands et vêtus d’une armure, se réjouissaient de la déception du Normand. Le troisième, tête nue, corpulent et vêtu en manant, frottait de temps en temps son avant-bras gauche enveloppé de linges. Il ne souriait pas. C’était Jean IV d’Harcourt, le réchappé de Caen. Las sans doute de toutes ces parlures, il fit un pas :
    – Je t’avais reconnu malgré cette barbe. Je t’ai vu à Chauvigny courir lance basse contre Guichard d’Oyré.
    – Je vous y ai vu jouter ainsi que votre fils… Va-t-il bien ?
    – Dieu nous a préservés dans cette grande estourmie (257) . Je vois avec plaisir que ce tournoi a été moins terrible pour toi que je l’avais imaginé !
    – Ses suites, messire, ont été terribles, dit Ogier en jetant un bref regard sur Blainville. Mais Dieu, comme sur vous, a veillé sur moi. J’étais innocent de toutes les turpitudes dont cette male reine m’accusa.
    – Ainsi, c’est toi qui vas passer sur l’autre rive…
    Jean d’Harcourt parut dominer une obsession pénible. Un coup de vent ébouriffa ses cheveux sur lesquels un proche feu jetait du rouge… Rouge… Toujours cette couleur exprimant la vie et la mort, la mort plutôt que la vie.
    – Il se peut que tu voies mon frère Godefroy…
    Le Normand eut un mouvement d’épaule révélant, semblait-il, de la colère et de l’impuissance. L’esprit plein de compassion pour ce guerrier, Ogier observa ses voisins figés – le roi y compris – dans un silence attentif. Son regard descendit du visage au bras emmailloté, et bien qu’il eût également souffert dans sa chair de la fureur des hommes, il prit conscience que sa jeunesse et sa force – cette lance basse dont Harcourt se souvenait aussi – pouvaient passer pour impertinentes.
    – Dis à Godefroy qu’il est un linfar, un félon, un renié !
    – Messire, je pense tout comme vous…
    « … Mais je ne lui rapporterai rien », décida Ogier. « Je n’exciterai pas son courroux, car de malheureux innocents en souffriraient. »
    Philippe VI bâilla d’une façon bruyante. S’adressant ensuite aux deux autres chevaliers :
    – Saint-Venant et Thouars, occupez-vous de faire manger Fenouillet près de mon pavillon… Faites chercher le Moyne de Bâle, de la suite de Jean de Bohême. Il doit être auprès de Charles, son fils… Dites-lui que nous lui confions une noble mission. Rassemblez pour demain, avant l’aube, vingt hommes solides…
    – Six ou sept suffiront, sire.
    – Neuf et un pennoncier, pour faire un compte… Suivez-moi, Fenouillet, que je vous confie la custode…
    Et Philippe entraîna Blainville, lequel aussitôt protesta :
    – Il ne faut pas, mon roi, envoyer ce message (258)  !
    Ogier en eut assez. La fureur de nouveau le posséda, brûlant son sang et son visage. Elle atteignit un tel degré qu’il ne pût y résister :
    – Holà, messire Blainville !
    Le Normand s’arrêta. Dans ses yeux brasillèrent les lueurs des feux autour desquels se groupait la valetaille des princes et des grands barons.
    – Raoul de Leignes est mort… Il ne vous aura pas servi longtemps…
    Et sans plus se soucier du favori royal, Ogier marcha auprès de Jean IV d’Harcourt, qui chuchota :
    – Ce horzain (259) n’est pas plus Normand qu’un mahomet. Il y a du Breton en lui, j’en jurerais ! Tu l’as bien eu, l’ami !
    Ogier se sentit une merveille de calme et d’assurance :
    – Oh ! Ce n’est pas ainsi que j’espère l’avoir !
     
    *
     
    Le bac était si grand que les douze chevaux et leurs cavaliers, alignés par trois, s’y tenaient aisément. Des vapeurs enfumaient son pourtour, dissimulant presque l’eau grise dans laquelle, sur les deux longueurs, huit rameurs enfonçaient leur pale. À l’arrière, deux hommes maniaient le gouvernail ; à l’avant, deux autres s’apprêtaient à lancer des grappins sur la rive.
    – Ils ne peuvent nous voir s’il s’en trouve aux aguets… Et c’est à peine si nos gars font du bruit avec leurs avirons… Croyez-vous que l’armée d’Édouard se soit enclose dans cette boucle de Seine ?… Si c’était

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