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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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deux chevaliers inquiets : Blainville et moi, Ogier… Ah ! non, j’allais oublier Charles IV, le fils de l’Aveugle – comme il est pâle ! – et ce gars complètement asservi à Blainville : Étienne de Vertaing. Quelles promesses a-t-il bien pu obtenir de ce démon ? »
    Le comte d’Alençon interrompit ces réflexions :
    – Messires, nous leur taillerons des croupières !
    Philippe VI tapa sur la table, faisant tinter les plats et les écuelles :
    – En selle, Charles, avec la moitié de ma grand-baronnie. Tandis que je dormirai céans, trouve-moi pour demain un logis à Amiens. J’y arriverai vers tierce (334) . J’y attendrai un jour que l’ost soit reformé… Vous, Godemar, costiez (335) soigneusement la Somme…
    – Et Airaines, mon frère ? questionna Charles d’Alençon.
    – Tant qu’il ne peut franchir la Somme, Édouard y restera. N’aie crainte, nous irons l’y surprendre !
     
    *
     
    Derrière Alençon, Vertaing, Hainaut et Montmorency, Ogier et Champartel durent chevaucher vers Amiens. Les piétons grondaient dans la nuit commençante. Un bruit circula : furieux et fatigués de porter leur grand pavois, les Génois avaient volé des chariots ainsi que des chevaux pour les tirer.
    – Ils font la mauvaise tête, dit Thierry qui s’en était allé aux nouvelles. Moins, cependant, que les manants et culs-verts de l’arrière-ban.
    Comme le comte et sa suite hurlaient à une compagnie de piétons d’abandonner la chaussée, l’écuyer dit à quelques-uns d’entre eux, sans élever la voix :
    – Du cœur, les gars !… Les Goddons sont au bout avec moult charrettes de butin. Vous en aurez votre part !
    Alençon noya ces exhortations sous un flot de fiel :
    – Avancez, herlos fainéants ! Où vous croyez-vous ? Dans vos champs, aux semailles ?
    – Monseigneur, dit Ogier, ils sont las !
    – Mon frère est sot d’avoir mandé ces hurons par milliers !… Les victoires sont toujours acquises par la Chevalerie !
    La Chevalerie, lui aussi.
     
    *
    On dormit dans les granges d’Amiens. Le lendemain, avec Philippe VI, on attendit les attardés. Le surlendemain, 22 août, le roi, tôt levé, fît réunir trois mille hommes à cheval et autant de piétons.
    – Où allons-nous, mon frère, ce mardi ? demanda Alençon.
    – À Araines (336) . Un coureur vient de me dire que presque tout l’ost anglais en est parti, mais qu’Édouard y est resté… C’est à six lieues d’ici : nous le prendrons au gîte !
    Thierry se pencha vers Ogier :
    – Pourquoi avoir laissé passer tout un jour ?
    Ogier se contenta d’un geste d’ignorance : il n’y comprenait rien et renonçait à comprendre.
    Après ce qu’il appela « deux petites heures de chevauchée », Philippe VI, ses capitaines et sa grand-baronnie entrèrent sans coup férir dans Airaines. Une surprise les y attendait : sous les ormes d’une placette, de longues tables pouvant réunir cent convives avaient été dressées.
    – Bon sang, messires ! s’écria le roi en descendant de cheval. Ces malandrins se trouvaient ici il n’y a guère !… Où est Gauric ? Il aurait dû m’aider à mettre pied à terre !
    – Tu sais bien que tu l’as mis au service de Godemar du Fay, mon frère !
    « Le malheureux garçon », se dit Ogier tandis que d’un geste large, le roi désignait la plus longue et la mieux garnie des tables :
    – Voyez toutes ces pourvéances (337)  : chairs rôties, pains et pâtés en four, et là-bas ces vins en tonneaux et barils !… Leurs guetteurs nous ont annoncés, et les couards ont fui !
    Deux sergents sortirent d’une grange, tenant un jouvenceau par les poignets.
    – Il se cachait, sire !
    – Oui, je me cachais, approuva l’enfant. J’ai eu peur que ce soit encore eux ! Ils sont restés deux jours pendant que leurs coureurs cherchaient un pont… Ils ont emmené les hommes, les femmes et les enfants. S’ils n’étaient partis en hâte, ils auraient mis le feu à la cité… Vous voyez là leur repas d’hier soir…
    Couvert de fétus et de poussière, le garçon avait dû s’enfouir dans la paille jusqu’à en étouffer. Son souffle rauque, irrégulier, témoignait d’une émotion douloureuse.
    – Approche, dit Philippe VI. Il est midi à peine. Quand est parti Édouard ?
    – À petite prime (338) , messire.
    – Dis sire ou mon roi, ou je te fais brancher !
    – Bon sire, intervint le duc de Lorraine, ne vous engrignez

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