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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pas pour ce maraud ! Voyez le beau repas que ces démons nous laissent !
    – Ils y ont à peine touché, dit Louis de Blois. Et j’ai grand-faim !
    – Ils n’ont pas eu le temps d’empoisonner tout ça… Noyers ! Ho ! Noyers, ajouta Philippe VI… Ah ! Miles (339) , vous voilà… On vous voit rarement, savez-vous ?
    Le heaume à la hanche, contre les mailles de son haubergeon, un vétéran s’avançait :
    – Sire, vous avez moult conseillers. Je leur laisse la parole !
    Le roi ne releva aucun dépit dans ces propos :
    – Miles, disposez à table tous mes compagnons… Mangeons… Ah ! quel dommage que notre bon Taillevent ne soit pas là ! Il aurait su nous apprêter et réchauffer toutes ces choses (340) … Je vois déjà mon siège : celui qu’Édouard dut occuper…
    Il eût fallu se lancer à la poursuite des fuyards, mais cette victoire suffisait au souverain de France. Il prit place dans une cathèdre tirée de l’église voisine, fit asseoir Blainville à sa droite et son frère à sa gauche, puis s’appropria un gigot sur lequel festinaient des mouches, et tout en le déclarant dur, mal rôti, il eut un sourire de biais :
    – Messires, le vent tourne : Édouard est effrayé !… Buvons à sa défaite !
    Entre Ogier et Thierry, le Moyne de Bâle leva les yeux au ciel. Il eût pu rester à Amiens, auprès du roi de Bohême ; il avait voulu se battre et c’était la raison de sa présence auprès de Philippe VI ; plutôt qu’une bataille, il voyait, ébahi, incrédule, un repas champêtre pendant lequel les Goddons, quelque part, se rassemblaient en toute impunité.
    – Dieu veuille lui pardonner ses errements, glissa-t-il à l’oreille d’Ogier.
    L’après-midi de ce mardi fut employé à manger, à boire, à discourir, et la Chevalerie de France, repue de mets et de mots, dormait à l’ombre de la place et dans l’église d’Airaines, entourée d’un millier de piétons arrivés fort tard, et fatigués, quand un coureur survint sur un cheval écumant : Gauric. Philippe VI ouvrit les yeux et remua dans sa cathèdre :
    – Quelles nouvelles me portes-tu ?
    Gauric, apparemment, ne s’était pas battu : la cotte de soie couvrant sa brigantine était propre et son visage ne portait nulle trace d’angoisse :
    – Sire, Oisemont brûle et ses manants aussi… D’après ce que nous savons, Édouard couchera sans doute à Acheux-en-Vimeux…
    – Qu’il y fasse ses derniers beaux rêves ! s’écria Alençon en bâillant et s’étirant autant que son armure le lui permettait. Demain ou après-demain, nous le tiendrons et fixerons le prix de sa rançon !
    – Et celle de son fils ! exulta Philippe VI.
    – Et pourquoi pas celle de Godefroy d’Harcourt ? conclut Blainville.
    Il riait. La hautaineté de ses commensaux le réjouissait, bien qu’il fut inquiet, sans doute. Ogier songea qu’un roi digne de ce nom aurait décollé son séant de son siège, demandé son roncin et crié : «  Messires, à cheval ! Allons de grand randon jusqu’à Acheux ! Emparons-nous de ces larrons ! » Après s’être étonné de l’absence de Jean IV d’Harcourt et de son fils, Philippe VI, hilare, décida qu’il n’y avait plus à se hâter :
    – Jamais, jamais ces malandrins ne franchiront la Somme !
    – Leurs compagnies sont partout, dit Gauric. Les unes vers Abbeville, les autres à Cambron, Saigneville, Boismont…
    – Sans pont, la Somme est infranchissable. Et par Dieu, Édouard n’est pas Moïse pour s’ouvrir un chemin dans ses eaux !
    – C’est que, dit Gauric embarrassé par cette conclusion biblique, si les ponts sont démantelés ou bien gardés…
    – C’est que quoi  ? rugit Alençon.
    – À défaut de pont, monseigneur, il existe un passage.
    – Sans pont, nul ne passera ! décida le roi. La Somme est profonde, et quand la mer l’envahit, elle devient plus profonde encore.
    – Messire Godemar du Fay vient d’apprendre par un huron qu’on la pouvait traverser à gué, à marée basse, en un lieu dit la Blanche-Tache (341) . Douze hommes peuvent y aller de front tant que dure le recul des eaux, sans être mouillés plus haut que les genoux… Là, le fond est si stable et plat qu’on y marche à l’aise, car il y a du bon gravier de blanche marie (342) si fort et si dur que les charrois sont possibles.
    Philippe VI se tourna vers son frère :
    – Charles, qu’en penses-tu ?
    – Ce gué-là, il faut en avoir

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