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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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masque de bienveillance paternelle, mais ses yeux fixes, et surtout, le retroussis de sa lèvre supérieure sur des dents petites et pointues trahissait cet homme sans même qu’il s’en doutât. Il était vêtu de velours sombre, chaussé de heuses à chevaucher aux talons inégaux afin de réduire sa claudication ; son percemaille à manche de corne pesait sous la boucle de sa ceinture.
    « Ce hutin me le plongerait volontiers dans le corps… Avec tout ce noir sur lui, on dirait un messager de mort ! »
    – Blandine, allons, viens… Aimery te demande… Tu lui avais promis toutes tes danses !
    – Je n’ai rien promis, père.
    – Ta ta ta, je sais ce que je dis !… Pardonnez-lui, Fenouillet !… Je crois que les bons vins lui ont tourné la tête… À demain, l’ami, au champ clos !
    C’était une menace sans nuance. Une de plus !
    Ogier vit Blandine, consternée, placer sa main inerte dans celle de Rochechouart tandis qu’abandonnant Guichard d’Oyré, Isabelle se dirigeait vers le seigneur des Halles de Poitiers, lequel lui disait quelques mots à l’oreille. Elle hocha la tête et pendant quelques instants, son rire domina la musique.
    – Cette joie me paraît de bien mauvais aloi !
    Blainville !… Rien ne lui échappait. Une pensée durcit sa face rubiconde, et ses yeux se plissèrent au point qu’Ogier n’en vit plus scintiller que deux lamelles noires :
    – Fenouillet, vous me plaisez…
    « Tiens, il ne me tutoie plus ; il ne m’appelle plus Lancelot… »
    – J’aime votre habileté, votre orgueil, votre façon de paroler où je sens une grande noblesse… Voulez-vous appartenir à ma mesnie ?
    Les sourcils d’Ogier se froncèrent.
    – Oh ! non pas comme un bas capitaine, mais comme un compagnon solide auquel j’accorderais toute ma confiance… et une solde en proportion de ses mérites…
    Blainville s’interrompit ; Ogier croisa les bras et sentit, contre sa paume dextre, les violents battements de son cœur.
    – Messire, dit-il d’une voix râpeuse tant sa gorge s’était nouée, c’est un grand honneur que vous me faites là, mais nos destins me semblent opposés.
    – Adonques, c’est non ?
    De surprise et de fureur, Blainville était devenu blême. Ogier baissa la tête apparemment contrit :
    – Pardonnez-moi, messire : c’est non !
    – Tu vas donc devenir mon ennemi !
    – Qui sait si je ne l’étais déjà, messire.
    Il vit le poing de Blainville se crisper sur son poignard. Non, il n’allait tout de même pas le tirer de sa gaine !… Et d’ailleurs, Thierry s’approchait et doucement les séparait :
    – Messire, il se fait tard…
    Blainville tourna les talons et s’éloigna.
    – Il n’est pas le seul à partir, dit Thierry.
    Radegonde s’en était allée – en quel état d’esprit ? – ainsi que la dame de Morthemer, sa nièce, Blandine et ses parents.
    « Quand nous reverrons-nous, elle et moi ?… Demain ? »
    Pourquoi se posait-il cette question absurde ? Oui, il la reverrait bientôt, mais séparée de lui par un champ, des barrières… Ivre et malade, Oyré vomissait dans l’âtre tandis qu’auprès de lui l’élue de son cœur grimaçait de dégoût, puis lançait une œillade précise à Hautepenne.
    – Venez, messire… Non, non ! ne prenez pas congé de vos hôtes… Qui sait si l’un des deux ne voudrait pas vous retenir un peu…
    L’écuyer parlait sagement, Ogier le suivit sans mot dire.
     
    *
     
    Courbées sous le vent, les flammes des pharillons accrochés aux tours portières du château d’Harcourt dissolvaient en grésillant deux ou trois toises d’obscurité. Ensuite, la rue s’enfonçait dans des ténèbres dominées par l’ombre bouffie de l’église Saint-Pierre.
    – Je commence à être las, Champartel. Ma hanche et ma jambe me font mal…
    – Ça se comprend ! Vous ne les sentiez pas quand vous dansiez avec Blandine.
    – C’est vrai… Cette nuit me paraît favorable…
    – Nous en reparlerons quand nous aurons regagné notre tref !… J’espère que votre Isambert a emmené son chévecier bien loin d’ici !
    Derrière les murs qu’ils venaient de quitter retentissaient les cris et rires des hommes d’armes ; ils entendaient parfois quelques accords d’instruments de musique venus d’en bas, près du champ clos, où le grand bal tirait sans doute à sa fin.
    – Nous y sommes.
    La maison de Guillaume Herbert, le chévecier, offrait à la vue des

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