Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Blandine :
    – Tenez, Fenouillet… Le bal reprend…
    Déjà, elle dansait et ses yeux scintillants disaient : « Mes parents ne peuvent plus s’y opposer, puisque j’ai ma main dans la vôtre ! » Elle portait sa robe de l’après-midi, d’une coupe simple, aux manches pertuisées (118) , et le fait qu’elle n’en eût pas changé signifiait que les Berland étaient moins fortunés que leur orgueil le faisait accroire. Son corselet rendait justice à sa poitrine, moins agressive que celle de Radegonde, furieuse, à laquelle Hautepenne offrait son bras.
    – Ah ! Blandine… Vous voir de si loin… J’en ai bien souffert… Et vos parents m’ont en détestation !
    Ogier retrouvait la jouvencelle de la veille au soir, lorsqu’ils étaient seuls, assis au soleil, entre deux merlons. Des perles constellaient ses tresses roulées en templières ; sa bouche avait l’éclat des roses de décembre.
    – Vous êtes belle, m’amie…
    Il tremblait de cet aveu pourtant bien pâle. C’était une bénédiction singulière qu’Hautepenne, reconnaissant de son comportement sur le champ clos, lui eût en quelque sorte offert Blandine. Pour cacher son trouble, il exagéra son compliment :
    – Adorable !… La plus belle qui soit au monde, tout au moins celui où je vis…
    Il ne cessait de contempler ce visage virginal auquel l’émoi donnait les qualités d’une œuvre divine. Il reviendrait un jour en Poitou ; il ferait sienne cette merveille en l’enlevant au besoin. À son plaisir s’en joignait un autre, une espèce de revanche : il avait été le plus fort dans la lice et l’on avait dû lui soupçonner peu de cœur ; il prouvait qu’il en avait un. Blandine l’observait à petits coups furtifs. Cette âme frémissante, qui s’était fermement astreinte à la discipline de l’ignorance et du silence lors du repas, éprouvait des besoins de parler, de sourire, voire de s’ébaudir.
    La musique était devenue lente et vibrante. Le luth crissait, la cornemuse soupirait. Ogier avoua :
    – Je n’ai jamais dansé cela.
    – C’est une tresche (119) du Brabant. Je connais bien cet air-là et vous dirai quand me faire un petit genou… Là, maintenant…
    Il ébaucha une génuflexion sans quitter des yeux le sourire de la pucelle qui lui faisait la révérence :
    – Maintenant, reprenez ma main… À votre tour de tourner… Trois pas… Un autre petit genou… Vous voyez : vous savez déjà !
    Oui, elle était heureuse. Ses paroles chaudes et chuchotées avaient cet accent inimitable de la passion trop longtemps contenue et qui pouvait enfin s’exprimer. La danse offrait un exutoire, une dérivation à sa fièvre sentimentale. Peut-être aussi l’aiguillon d’une revanche sur les prétentions que Rochechouart lui avait révélées. Rochechouart qui parfois exerçait sur la pucelle une espèce de surveillance, avec l’évidente approbation de dame Berland.
    – Vous êtes, m’amie, la plus belle de toutes.
    Rien n’importait plus pour Ogier que cette présence, ce regard, ce sourire, cette confiance et cette tendresse. Il le savait mais le réapprenait : la félicité pouvait se composer de choses toutes simples : une musique douce, sa main dans la sienne – douloureuse à force d’avoir serré la lance dont le bois repoussait le cuir et les mailles du gantelet dans la chair –, et son sourire un peu triste, car le bonheur était chose fragile pour elle et pour lui-même au milieu des vilenies de leur vie…
    – Vous avez bien raison de profiter d’Ogier ! Il est en bon état, mais demain soir ce pourrait être le contraire.
    Isabelle ! Elle dansait maintenant avec Herbert Berland, insoucieux de sa claudication, l’œil vif, les lèvres pincées.
    « Ah ! s’il pouvait m’injurier… Mais il n’en a nulle raison, et c’est ce qui augmente sa fureur ! »
    Ogier allait s’éloigner quand, d’un geste inattendu, André de Chauvigny interrompit le bal :
    – Un peu de silence !… Gentilfames, messires… Ce que j’ai à vous dire tient en peu de mots… Voilà : monseigneur Alençon ayant accepté depuis longtemps d’être défendant au tournoi de demain, nous avons lui et moi, en présence du Roi d’armes, des juges, maréchaux de lice et chevalier d’honneur, choisi avant ce souper les hommes qui seront là circonstans (120) l’un et l’autre… Moult d’entre eux dorment en ville ou sous leur pavillon ; je n’en parlerai pas : au petit

Weitere Kostenlose Bücher