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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aversion pour Blainville semblait s’être exacerbée : elle sentait peser sur son cou le joug d’une reconnaissance dont elle s’était refusée, sans doute, à imaginer les conséquences.
    – Appelez-moi Richard.
    – Non… Je sais qui a tué Jaquelin de Kergœt. C’est Leignes, et je requiers…
    Le rire de Blainville éclata :
    – Vous n’avez rien à requérir, m’amie… Vous êtes reine assurément, mais dans ce trou, vous êtes sujette du roi d’Angleterre !
    – Je réclame justice !
    – Leignes est désormais à mon service. C’est un bon gars… Avez-vous eu, Chandos, à vous en plaindre ?
    – Si l’on excepte ses mains hideuses, il est convenable. Il a veillé sur moi, à Morthemer, autant que vous, m’amie. Ni votre oncle ni votre tante, personne, grâce à vous deux, ne saura que j’ai passé quelques jours à l’abri du clocher. Sans prétendre m’y être senti en geôle, il me semblait purger là-haut je ne sais quelle pénitence ! Il me faut ajouter que je dois à Kergœt d’avoir atteint Morthemer sans dommage. Le chemin est long, depuis Langon où il est venu me chercher…
    – Jaquelin s’est ensuite occupé de Jeanne… Et sa mort, messire Blainville, ne vous touche pas !
    – Non, douce Isabelle. Et je dirai même qu’elle me satisfait.
    – Oh !
    – La vérité, puisque vous la souhaitez, c’est que c’est moi qui ai demandé à Leignes d’en finir avec Kergœt.
    – Démon !
    Il y eut un silence, et de nouveau la voix excédée de Blainville :
    – Votre Jaquelin mollissait !… L’état de captivité où se trouve la comtesse de Montfort, en Angleterre, l’indignait au point qu’il s’était mis à haïr Édouard III.
    – Comment savez-vous qu’il mollissait ?
    – Je sais… D’ailleurs, Montfort lui-même me l’avait confirmé à mi-mots avant de revenir à Hennebont pour y mourir… Et j’ajoute, afin d’en finir avec Leignes, que ce garçon vous savait très attachée à Kergœt. Et qu’il voudrait bien enferrer Yvon, maintenant que je lui ai dit que ce n’était pas Jaquelin que vous aimiez, mais son frère…
    – Je ne sais où est Yvon !… Laisseriez-vous Leignes l’occire au cas où il apparaîtrait ce soir ou demain parmi nous ?
    – Pourquoi non ?… Il ferait ainsi place nette entre vous et moi !
    La voix de Blainville devint sèche, coupante :
    – Au lieu de penser à ces deux-là, préparez-vous à m’accorder ce que vous m’avez promis pour le cas où vous seriez intronisée !… Oubliez Jaquelin ! Oubliez la Bretagne !… Oubliez cet Yvon si vous l’avez aimé !
    – Je ne le puis.
    – Je saurai vous y contraindre… Rien ne me résiste, vous le savez bien !
    « Si, moi, Ogier, je te résiste, mais tu n’en sais rien. »
    Une voix s’éleva, dure, dédaigneuse :
    – Aussi vrai que je m’appelle Harcourt, vous n’êtes céans, Richard, ni à la Cour de Philippe ni sur votre gros cheval, dans ce champ clos où je vous ai vu – hé oui ! – moins hautain que d’ordinaire face à ce Fenouillet plein d’estoc (127) et de savoir-faire !
    – Tu me dis vous, à présent ?
    – Je ne sais comment te prendre. Tu ne permets nulle défaite aux autres, mais tu ne réussis guère ce que tu as pourpensé (128) . Tu devais, comme chaque année, amener à Chauvigny le duc Jean afin que nous profitions de ces Pâques pour le capturer ou l’occire. Or, il est à Aiguillon, sanglotant sans doute moult fois par jour d’être éloigné de son Charles chéri !… Ah ! quel sot tout de même… Plutôt que d’envoyer deux chevaliers de confiance à son père, le prévenant de ses difficultés, il a choisi Guînes, l’amant de sa femme, et ce huron de Tancarville…
    – Je les lui ai recommandés… Me suis-je trompé sur ces hommes ? Ils perdent à Chauvigny un temps précieux… Et à défaut de nous emparer du duc Jean, mais pour entamer le châtiment de ces Valois détestables, nous avons Alençon et pouvons en finir avec lui dès demain, le plus courtoisement du monde !
    Il y eut un silence durant lequel Ogier, tant il respirait fort, se compara à un soufflet de forge. « Des malades », songea-t-il. « Avides de puissance ! » Il eût aimé les voir, ces mystiques de la trahison. Tous se croyaient appelés au double rôle de justicier et de suzerain. Sous l’emprise de l’obsession du pouvoir, à laquelle ils n’étaient plus libres de résister, ils voulaient tous en

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