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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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déconvenue.
    – Connaissez-vous cet air-là ?
    – Non, damoiselle.
    La musique évoquait la douceur de la brise, le clapotis des eaux tranquilles et les pépiements des oiseaux ; et c’était miracle que tous ces hommes accoutumés aux fracas des armes y parussent sensibles.
    – Souriez, messire, dit Radegonde. Cette nuit est vôtre et vous pouvez tout vous y permettre !
    – En vérité ?
    –  Hum… Hum… En vérité !
    Quelque déçu qu’il fut d’être loin de Blandine – ah ! s’il pouvait tenir, l’espace d’une danse, sa petite main dans la sienne –, Ogier apprécia cette ronde dont les ombres longues et tremblantes animaient les murailles jusqu’au plafond. Les clochettes que le flûteur agitait parfois, tout en soufflant dans son instrument, lui donnaient une allure champêtre. Errer dans les prés en compagnie de Blandine… Rire, redevenir quiets comme on passe du soleil à l’ombre… Trébucher dans les hautes herbes et s’y étendre, haletants, bien moins d’avoir couru que d’ardeur contenue… Il ne s’indignait plus d’avoir vu dame Berland pousser sa fille vers Aimery de Rochechouart, qui peut-être avait femme et enfants : elle le détestait lui, Fenouillet, non seulement parce qu’il avait dominé son époux, mais parce qu’il venait d ’ailleurs. Même mariée, Blandine devrait demeurer en Poitou, dans le giron maternel !… « Eh bien, nous verrons… » Présentement, il se sentait captif et partagé : à sa dextre, les vives pressions de la main de Radegonde ; à sa senestre, les fins doigts d’Isabelle épousant chaque creux des siens… Le luth était doux ; plutôt que de miauler ainsi que ses pareilles, la cornemuse soupirait…
    Une courante succéda à la carole. Ogier voulut se dégager mais ses deux compagnes le maintinrent entre elles. Il fut soulagé de voir Blainville s’incliner devant Isabelle :
    – M’amie, vous m’avez promis moult bonnes choses. Commençons par celle-ci…
    Toutes les femmes durent comprendre la teneur et les prolongements d’une telle invitation. S’il n’osa dévisager le Normand triomphant, Ogier enveloppa d’un coup d’œil cette reine soudain pâle, asservie, et qui semblait chercher un secours autour d’elle – sans le trouver.
    – Pour un peu, je la plaindrais.
    Cela dit, attirant son idole vers elle, Radegonde eut un sourire victorieux :
    – Vous êtes tout à moi, désormais, messire au poing vermeil !
    Elle fleurait le musc et l’ambre ; elle était légère et bien faite. À travers la soierie de son corselet travaillée à chiquetades afin qu’on vît mieux ses seins ronds et blancs, Ogier pouvait voir briller un collier d’argent. Elle était riche ou ses amants généreux.
    – Ah ! messire… soupira-t-elle, révélant avec audace et suavité l’admiration qu’elle lui vouait.
    Bien qu’il fut enclin à l’indulgence en raison de l’intérêt qu’elle lui avait consacré au cours de l’après-midi, Ogier supporta désagréablement cette approche malavisée.
    – Je vous plais ?
    Certes oui, elle était plaisante. Pour une nuit, une semaine, un mois. « Pauvre époux, si elle s’en trouve un ! » Elle sourit davantage :
    – Voulez-vous que je vous enlève ?
    Mieux valait hocher la tête que de répondre négativement.
    – Êtes-vous attaché à Blandine ?… Elle n’a cessé de vous dévorer des yeux quand vous baissiez les vôtres… Avec le cygne, aimeriez-vous l’oie blanche ?
    – Et si c’était ?
    Ogier se sentait épié avec un intérêt féroce par les Berland, bras dessus bras dessous, non loin de leur fille et de Rochechouart ; et comme Radegonde l’entraînait vers dame Géralde, immobile, abandonnée, il vit la châtelaine de Morthemer se mordre les lèvres, tandis que sa compagne commentait :
    – En voilà une qui doit souffrir d’être esseulée comme une bonne à rien !
    Autour d’eux, avançant, reculant, les couples évoluaient. Les hommes bombaient le torse encore plus que les femmes ; certaines, parfois, roucoulaient à quelque plaisanterie d’autant plus murmurée qu’elle était hardie. Et Thierry, assis non loin de l’âtre, buvait ferme, insensible aux regards que lui jetait parfois Charles d’Espagne.
    « S’il s’enivre, il peut compromettre notre entreprise. »
    La musique cessa. Le peu de temps que devait durer cet arrêt, Hautepenne le mit à profit pour s’approcher d’Ogier et lui tendre la main de

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