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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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d’étrangers sur son territoire. Je puis te donner une missive d’introduction. Tu la montreras à Ornan ; s’il est de bonne humeur, il te laissera peut-être la vie sauve. Mais je préfère t’avertir que tu prends des risques. Je ne sais dans quel état d’esprit il est aujourd’hui. Une chose est sûre, néanmoins : si tu réussis à tuer la bête, il te couvrira d’or.
    Il n’en faut pas davantage pour convaincre Bézélios d’aller au bout de son projet. Une telle occasion ne se présente pas deux fois. Plus il y réfléchit, moins il croit à la nature magique du dévoreur.
    — Je vais faire rédiger un blanc-seing par mon intendant, conclut l’ingénieur. Demain je vous conduirai là où commencent les terres d’Ornan. Je n’irai pas plus loin. Je ne tiens pas à me jeter dans la gueule du loup. Néanmoins, il est de mon devoir de vous prévenir que vous allez signer un pacte avec le diable. Vous deviendrez peut-être riches, mais vous y perdrez votre âme.

13
    Le lendemain, Coquenpot se lève de bon matin et presse ses invités de lui emboîter le pas. Il semble impatient d’être délivré de leur présence. Il bougonne, se montre grossier. Sans doute regrette-t-il ses épanchements des derniers jours. Pourquoi s’est-il confessé à des inconnus ? Le vin, probablement… L’ivresse a tendance à lui délier la langue, il devrait pourtant le savoir.
    Les rudoyant presque, il leur ordonne de monter à cheval, et se hisse lui-même difficilement sur un palefroi vieillissant. Il prend la tête de la colonne, tourne le dos à sa demeure pour filer en direction de la ceinture boisée qui encercle le pied de la montagne.
    — La forêt des sorcières, lance-t-il au bout d’un moment en désignant l’alignement des chênes dressés tel un rempart. On prétend que les fagots qu’on y ramasse ont la propriété de brûler les envoûteuses avec une efficacité incomparable. Cela tiendrait à une certaine qualité du bois qui, une fois enflammé, ne peut s’éteindre, même si on l’asperge d’eau. Or, comme vous le savez, les magiciennes, lorsqu’on les monte au bûcher, ont pour habitude de déclencher des averses qui étouffent les flammes. Avec ce type de fagots, cette ruse ne leur est d’aucune utilité. Par ailleurs, ces bûches génèrent un brasier qui, non content de consumer la chair et les os, détruit également l’âme des sorcières, si bien qu’une fois le feu éteint, il ne subsiste plus rien de ces méchantes créatures. Elles ne peuvent ni se réincarner ni hanter les humains sous forme spectrale. Les bourreaux des cités voisines sont les premiers à se fournir ici. Pour cela, ils doivent payer redevance à Ornan de Bregannog. C’est un revenu non négligeable, surtout dans nos campagnes où pullulent les voueries 1 de toutes sortes.
    Arrivé en lisière, il tire sur les rênes de sa monture et clame :
    — Mes bons amis, c’est ici que nous prendrons congé les uns des autres. Continuez droit à travers la forêt et escaladez le flanc de la montagne. Vous ne pouvez vous tromper, il n’existe qu’un chemin. Le château d’Ornan est à mi-flanc. Le blanc-seing que je vous ai remis devrait vous donner accès aux lieux, mais je n’en jure point. Le baron est d’humeur changeante. Peut-être aurez-vous la chance qu’il vous chasse !
    Sur cette saillie, il récupère les montures de ses hôtes et s’en retourne vers sa maison forte, abandonnant Bézélios et Wallah dans la prairie.
    — Bon, soupire le forain. On y va ?
    Se tournant vers la ligne des arbres, ils découvrent qu’ils ne sont point seuls. Une charrette à demi pleine de fagots attend en lisière ; des ombres s’agitent entre les troncs.
    — Oh ! fait Bézélios, nous arrivons en pleine moisson.
    Un homme à forte carrure, les bras croisés sur la poitrine, se tient dressé à l’arrière du chariot, surveillant le manège des ramasseurs de branchages. Wallah suppose qu’il s’agit d’un bourreau. Des serfs vont et viennent sous le couvert, assemblant des ligots. Une vieille femme cassée sous le poids de sa charge laisse soudain échapper son fardeau qui s’éparpille dans l’herbe. Wallah s’agenouille et l’aide à rassembler les branches.
    — Tu m’as l’air d’une bien bonne personne, ma petiote, gémit la vieille. Mais ce n’est pas en secourant les autres que tu gagneras ta journée.
    L’adolescente lui explique qu’elle se rend chez le baron de Bregannog. La

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