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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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Si tu vas là-haut, tu y passeras toi aussi. Je sais comment il procède. Un narcotique dans un hanap de vin chaud, et hop ! sitôt la belle endormie il la soulève dans ses bras et la porte au-dehors, sur un rocher plat qui lui tient lieu d’autel. C’est en quelque sorte l’écuelle du monstre, c’est là que ce démon vient chercher sa ventrée.
    Wallah ne sait que penser. Gunar, son père, lui a souvent parlé des sacrifices humains auxquels procédaient les anciens Vikings : les hommes jetés vivants dans les tourbières, les mains attachées dans le dos, ou brûlés vifs dans des cages d’osier tressé. Il disait qu’enfant il avait assisté à de telles cérémonies que certains villages continuaient à célébrer en secret, malgré l’essor du christianisme.
    — La bête emporte les malheureuses, chuchote la mère Toine, elle les traîne dans son repaire, c’est là qu’elle les mange, avant de recracher leurs os…
    — De recracher leurs os ?
    — Oui, et c’est là qu’intervient le prodige. Tout ossement craché par le dévoreur est changé en or. Si bien que sa caverne déborde de squelettes qui sont autant de trésors ! Voilà pourquoi Ornan de Bregannog est si riche. Quand le monstre hiberne, le baron se glisse dans la grotte et récupère les os qu’il fond pour les changer en lingots. Avec cet or, il achète d’autres filles, et ainsi de suite…
    Bézélios qui, jusque-là, était resté à l’écart, s’impatientant du bavardage imbécile de la vieille, se rapproche soudain, alerté par le mot « trésor ». Se pourrait-il que… ? Mais non ! Tout cela est stupide ! Néanmoins, au fond de lui, l’idée s’accroche, prend racine. Il voit la caverne, encombrée de carcasses qui luisent d’un éclat doré dans la pénombre hivernale. Au milieu, le monstre repose, inconscient. Bézélios s’imagine fourrant dans un sac les crânes d’or pur dans lesquels il enfonce jusqu’aux chevilles. L’ossuaire fabuleux décuple la lumière du dehors, si bien qu’un étrange soleil semble rutiler sous la voûte de la crypte.
    Il s’ébroue en se traitant de nigaud, et rudoie Wallah.
    — Allons ! il est temps de reprendre la route !
    La vieille se cramponne au bras de l’adolescente.
    — Rappelle-toi ! lui souffle-t-elle à l’oreille. Si le baron te poursuit, tu pourras trouver refuge ici, dans le bois des sorcières ! Il n’y entrera pas de peur d’être brûlé vif.
    — La paix ! grand-mère ! intervient Bézélios en la repoussant. Tu nous assommes avec tes fadaises ! Nous avons à faire.
    Alors qu’ils s’éloignent, Wallah entend encore la voix de la mère Toine lui crier :
    — La musique ! fais attention à la musique… La flûte ! La flûte…
    — Avance ! ordonne le maître forain. Tu ne vois donc pas que cette folle n’est qu’un sac à vin ?
    Ils traversent la forêt en silence car le terrain grimpe durement et se charge en caillasse. Il convient de regarder où l’on pose le pied si l’on ne veut pas se tordre une cheville. Malgré tout, Wallah ressasse les révélations de la mère Toine. Toute légende recèle une part de vérité, et elle n’aime guère cette histoire de filles disparues. Une idée atroce lui traverse l’esprit : et si le baron, lépreux , attirait ses servantes dans son lit ? Après avoir usé d’elles… après les avoir contaminées, pourquoi ne se débarrasserait-il pas de ses victimes en les jetant dans un gouffre voisin ?
    Une sueur d’angoisse lui mouille les tempes. Elle se représente les malheureuses, rendues ladres par les embrassements d’Ornan de Bregannog, poussées dans une crevasse par l’intendant du château. Un instant, elle est tentée d’en parler à Bézélios, mais renonce. Le forain hausserait les épaules, insensible à ces terreurs de fille.
    D’un seul coup elle se sent moins forte. La bataille ne lui fait pas peur mais la maladie la terrifie, surtout la lèpre qui peut transformer en monstre la plus belle des femmes. Elle se promet de demeurer sur ses gardes et de ne pas toucher le baron. Tant qu’on reste hors de portée d’un lépreux, on ne risque rien. Quoique certains médecins assurent que le mal se transmet par le regard ou la parole ! Il suffit qu’un lépreux prononce votre nom pour que vous soyez aussitôt contaminé !
     
    Ils émergent enfin de la ceinture forestière enserrant le pied de la montagne, anneau de verdure qui s’étend sans discontinuer, tel un

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