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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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mon absence une fuite… Une fuite dont je devais être puni.
    — Il lui aura fallu du temps pour passer à l’action ! ricane Wallah.
    — Encore une fois, tu te trompes, murmure le baron avec lassitude. Ce n’est pas la première fois que j’entends cette musique. En fait, elle résonne chaque hiver, quand la couche neigeuse devient si épaisse qu’elle menace de se décrocher.
    — Et vous êtes toujours là ! triomphe la jeune fille. Cela signifie donc que la musique n’a aucun pouvoir sur la montagne.
    — Non, cela signifie que mon oncle n’a pas encore réussi à jouer convenablement la mélodie du sorcier. Cela veut dire qu’il est mauvais musicien… ou que la catastrophe lui a laissé une blessure qui lui rend le maniement de la flûte difficile. Quand je l’écoute, c’est l’hypothèse qui me paraît la plus convaincante. Ne trouves-tu pas cet air hésitant, maladroit… comme exécuté par un enfant ?
    — Si, ça fait penser à un gosse dont les doigts seraient trop petits pour boucher les trous de la flûte. J’ai vu ça, une fois, dans un village.
    — Oui, c’est une excellente comparaison. Des doigts trop petits… ou trop raides, ou paralysés… ou encore auxquels il manquerait une phalange. Les doigts d’un homme souffrant d’infirmité.
    — Dans ce cas, rien à craindre ; même si la mélodie est magique, votre oncle n’arrivera jamais à la jouer convenablement.
    — Pas si sûr ! Il fait de grands progrès d’une année sur l’autre. Au début, l’instrument ne produisait qu’une cacophonie grotesque. Ce n’est plus le cas à présent. La mélodie se précise… et je me dis qu’il se pourrait bien que ce vieux fou réussisse, cet hiver, à la jouer sans fausse note. Si j’ai raison, la masse neigeuse se décrochera du sommet, l’avalanche nous balayera. Nous n’y survivrons pas. Même en nous cachant dans les caves. Nous serons emmurés vifs, et le château deviendra notre tombeau. Le froid sera si intense que nous mourrons gelés avant d’avoir pu creuser un tunnel en direction de la surface. C’est ce qui s’est passé là-haut. Personne n’a survécu à la catastrophe, à part Anne de Bregannog, mon oncle.
     
    Wallah reste silencieuse, réfléchissant à ce qu’elle vient d’entendre. Elle est assaillie de sentiments contradictoires sans lien aucun avec la teneur des révélations. Elle se demande si elle préfère Ornan pâle et apeuré, ou corseté dans son dédain aristocratique. Tel qu’il se présente devant elle, à cet instant, il l’émeut mais fait naître en elle une vague condescendance. Sans doute parce que Gunar, son père, lui a appris à vénérer la force, elle n’aime pas découvrir qu’un homme est perméable à certaines terreurs ou obsessions. Et pourtant elle déteste ceux qui, tel Bézélios, ne doutent de rien. Tout cela est bien compliqué et hors de propos. Elle s’en veut de divaguer ainsi, de « faire la femme », comme disait Gunar.
    — Je ne raconte pas de fadaises, insiste Ornan. Le danger d’avalanche est réel. Peut-être ne sera-t-elle pas provoquée par la magie, je te le concède. Il est possible que le phénomène ait des causes scientifiques qui me dépassent, soit… En tout cas ce serait une erreur de prendre la chose à la légère.
    — Mais votre oncle sera lui aussi victime de la catastrophe qu’il aura déclenchée !
    — Il s’en moque ! La perspective de mourir en m’entraînant avec lui doit le réjouir. Selon moi, il a mal supporté de survivre à la première avalanche. Je te l’ai dit, chez les guerriers, cela ne se fait pas. C’est l’une des raisons pour lesquelles il n’a jamais cherché à renouer avec sa famille. La honte le mortifiait. Durant toutes ces années, il n’a pensé qu’au jour où il pourrait réparer cette infraction. Nous sommes deux à avoir survécu, lui et moi, deux fautifs… cela ne se peut. Cette tache doit être effacée. Il va essayer de remettre les choses en ordre. Il y travaille de toutes ses forces, et je pense qu’il est bien près de réussir.
     
    « Un homme diminué, songe Wallah. Un vieillard ayant des difficultés à se servir de ses doigts. Il s’en tire en braconnant, en posant des pièges, des collets. La seule arme dont il peut encore user, c’est cette flûte magique. Un simple tuyau d’os capable de déchaîner la colère de la montagne. »
    Cela se tient. Comme cette obsession de l’honneur qui pousse les chevaliers

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