Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
Vom Netzwerk:
accalmie. Il y a aussi des cordes et des pics, une hache. Tout ce matériel sera disposé sur un petit traîneau.
    — Avant de prendre la route, conseille l’intendant, avalez un solide repas, cela vous tiendra les entrailles au chaud pendant la montée.
    Déjà les serviteurs s’activent, poussant des marmites sur les fourneaux.
    Wallah et Ornan s’attablent en silence pendant que Gérault assure le service avec déférence.
    « Le banquet des morts… », songe l’adolescente.
    Elle s’amuse à l’idée qu’une va-cul-nu de son acabit va manger dans la même assiette qu’un baron 1  !
    1 - Partager la même assiette était un honneur. L’usage des assiettes n’était pas répandu hors des villes, la plupart du temps on posait les aliments sur une tranche de pain.

19
    La luge – que Gérault désigne sous le nom de « traîne » – est chargée. On y a ajouté trois torches, poisseuses de résine, qu’on enflammera si l’on se retrouve cerné par les loups. Wallah se sent pataude dans ses fourrures. Les raquettes d’osier lui donnent une démarche de canard.
    La capuche rabattue sur le nez, le baron et l’adolescente traversent la cour, précédés de l’intendant qui leur entrebâille la porte.
    — Que Dieu te garde ! souffle Gérault au moment où Ornan passe devant lui.
    Wallah sursaute, étonnée par ce tutoiement insolite, mais elle n’a pas le temps d’y réfléchir car la bourrasque lui coupe le souffle.
    Elle se retrouve dehors, fouettée par les flocons qui déferlent en vagues rapides. Tout est blanc, lisse et rond. Les crêtes aiguës des rochers ont disparu. La montagne est recouverte d’une crème épaisse, immaculée. Le piton hostile, aux arêtes vives, s’est mué en pâtisserie.
    La jeune fille ne reconnaît plus rien. Ornan lui fait signe de le suivre. Ils s’engagent dans la montée. Wallah remorque la traîne car il a été décidé que le baron devrait garder les mains libres afin d’être en mesure de repousser un éventuel assaut. Il grimpe, usant de son épée à la façon d’une canne. Le vent qui déboule du sommet leur oppose son mur élastique et invisible, comme s’il voulait leur interdire d’aller plus loin. Wallah comprend qu’il lui faut se préparer à vivre une épreuve. N’est-ce pas ce qu’elle désirait ?
     
    La côte est si vive qu’ils doivent se pencher pour échapper aux rafales. Wallah a parfois l’impression de ramper. Elle porte un masque en bois qui préserve son visage du gel mais réduit son champ de vision comme le ferait un heaume. Elle ne sait depuis combien de temps elle pose les pieds dans les traces du baron. Elle n’imaginait pas que l’épreuve serait aussi dure.
    Enfin, Ornan lui fait signe de bifurquer vers un réduit rocheux en ogive. Ils s’y serrent, puis s’enveloppent dans la toile huilée avec l’espoir de se soustraire aux morsures du vent.
    Le baron lui indique par gestes qu’elle ne doit pas lâcher les cordes fixées à la bâche, car la bourrasque l’emporterait aussitôt dans les airs.
    Les hurlements de la tempête rendent toute conversation impossible. Abêtie de fatigue, Wallah se contente d’agripper la toile que l’ouragan, multipliant les secousses, essaye de lui confisquer.
    « Au moins les loups ne seront pas tentés de mettre le nez dehors… », pense-t-elle en guise de consolation.
    *
    Plus tard, le vent tombé, ils mangent des galettes, des fruits secs et avalent quelques lampées de soupe froide. Wallah est si épuisée que l’appétit lui fait défaut.
    — Il faut se remettre en route, dit le baron. Si nous cédons au sommeil, nous mourrons gelés. Pas question de s’arrêter tant qu’il sera impossible d’allumer un feu.
    — Le sommet est encore loin ? s’inquiète la jeune fille.
    — L’été, on peut l’atteindre en trois heures par les chemins qui serpentent, soupire Ornan de Bregannog, mais avec la neige…
    Il n’ajoute rien. Il semble déjà moins résolu. De toute évidence, la fureur de la tempête a émoussé ses forces.
    — Les grottes… il faudra s’en méfier, souffle-t-il, elles servent d’abri aux ours.
    Ils replient la toile huilée et luttent pour s’extraire du réduit où la neige les a emmurés.
    Le vent a perdu de son âpreté, ce qui leur permet de grimper plus aisément. Parfois ils dérapent, tombent, et glissent en arrière. Wallah en pleurerait de rage.
    Elle sait qu’une fois le calme revenu les loups sortiront de leur tanière

Weitere Kostenlose Bücher