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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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Bertrane
le contemplait intensément et ce regard le mettait mal à l’aise. Il envia
Robert qui souriait et s’abandonnait aux mains des servantes peu farouches.
    Dans la tête de Bertrane, c’était le chaos. Elle vivait des
instants d’impardonnable faiblesse. Mabille d’Yères et Alix Gonter de Dardanus
s’étaient aperçues du changement qui s’était opéré chez leur amie. Quand
Mabille se pencha pour signaler le fait à Adalarie, Bertrane rompit le charme
en demandant qu’on serve du vin chaud et qu’on apporte des pâtisseries.
    Je ne peux l’aimer, se disait-elle, c’est impossible… Je ne
le connais pas… Je suis folle… Mabille et Alix se sont rendu compte de quelque
chose… Seigneur ! Si un tel bruit se répandait, Bertrand me ferait châtier…
Que vais-je devenir ?
    Jean remercia Alix qui lui apportait une coupe de vin chaud.
Cette dernière l’observa d’un drôle d’œil. Étrangement, il ne se sentait pas en
sécurité au milieu de toutes ces femmes habituées à comploter. Il eut une
pensée très forte pour Aubeline. Il aurait donné beaucoup pour être entre les
bras de la femme qu’il aimait. Il était ici pour rétablir son honneur et non
pour se compromettre avec des dames en mal d’aventures.
    — Je bois au retour de Jean d’Agnis ! dit Robert
en levant sa propre coupe.
    Les dames se joignirent à l’hommage. Elles ne craignaient
plus le chevalier noir qui paraissait honnête homme et elles avaient de la
sympathie pour ce Jean d’Agnis aux nobles traits. Ce beau chevalier avait
enlevé la reine Eléonore ; il leur tardait d’en connaître tous les détails.
    Jean quitta son siège et alla se placer au centre de la
pièce, devenant la cible des femmes rassemblées sous les bannières. Les unes
restaient sagement assises sur les banquettes, les autres s’étaient allongées
sur les fourrures jonchant le sol. Plus de trente demoiselles au service des
dames le dévisageaient. Dans leurs prunelles s’allumaient des passions, sur
leurs lèvres se formaient des baisers. Elles buvaient du vin miellé dans de
délicats gobelets d’argent et leurs bracelets cliquetaient lorsqu’elles
trinquaient avec leurs voisines en se chuchotant des propos grivois. La statue
de Vénus posée près de la grande cheminée lui parut bien plus sage que ces
jeunes filles.
    Jean se sentait mis à l’épreuve. L’instant aurait pu être
délicieux ; il était loin des horreurs de la guerre. Il avait un auditoire
acquis à sa cause, pourtant la menace n’avait jamais été aussi présente et il
regretta le départ de Bérarde et ainsi que l’absence d’Aubeline. Il se mit à
parler :
    — Nobles dames et demoiselles, femmes et filles de
Provence, comtesse Bertrane, je ne sais comment vous remercier de l’accueil que
vous me faites. S’il est vrai que j’appartiens à une vieille famille de la Sainte-Baume, je ne suis cependant pas l’égal de votre seigneur Bertrand de Signes, ni même
de Robert de Paneyrolle dont les riches terres s’étendent du pont du Diable à
Riboux. J’arrive à vous avec mes peines, l’échec de la croisade et le fardeau d’une
mauvaise renommée. J’espère que vous pardonnerez au soldat qui a défendu
Jérusalem en combattant les infidèles. Je n’en suis pas sorti indemne, d’où je
viens la mort avec sa faux ne fait grâce à personne, ainsi que les sujets, les
rois elle moissonne. Je l’ai vue, j’ai senti son souffle sur moi, et elle a
frappé bon nombre de mes courageux compagnons. Lorsque je me suis croisé à
Marseille, nous étions deux cents ; moins de cent étaient encore en vie
lorsque j’ai quitté la Terre sainte. Là-bas, j’ai chevauché dans la grande
armée du roi de France et des régiments de l’empereur d’Allemagne à travers le
pays du Christ, et j’ai cru que le temps était venu de me livrer au courant
tumultueux de la foi initiée par le pape Urbain au siècle dernier, au souffle
puissant des archanges qui m’entraînerait vers un monde de gloire, vers l’aube
d’une paix universelle… La foi, nobles dames, ne vous pose pas de questions et
ne vous demande pas votre accord, on la suit sans faillir jusqu’au moment où
les hommes se chargent de vous la faire perdre. Cette guerre qu’on dit sainte n’a
été que trahison, prévarication, malversation, simonie, péculat et j’en passe. Nous
avons pactisé avec les ennemis de Dieu, nous nous sommes laissé berner par les
marchands lombards et génois, faisant

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