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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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fuyarde. À plusieurs reprises, le drôle manqua sa cible en jurant. Au
moment où il allait l’atteindre le « Non ! » d’Aubeline claqua à
ses oreilles. Il vit la fille du templier, la géante et deux autres femmes qu’il
ne reconnut pas.
    Les tueuses de la Bête, pensa-t-il.
    Ses jambes fléchirent aussitôt. Son ardeur s’évanouit. La Burgonde était sur lui. D’un coup de hache, elle coupa net le bâton. Il jeta le moignon de
son arme en s’agenouillant devant Aubeline dont la pointe de l’épée touchait sa
gorge. Quatre gardes arrivèrent et le cernèrent avec leurs lances. Ils avaient
le regard mauvais et l’envie d’embrocher leur proie qu’ils semblaient connaître.
    — Gentes dames ! protégez-moi ! supplia la
paysanne en les rejoignant.
    — Reste à mes côtés, il ne t’arrivera rien, fit
Stéphanie avant de faire signe aux gardes d’emmener l’homme.
    Ce dernier eut une réaction inattendue. Il les bouscula, s’empara
d’une lance. Il était fort, jeune et animé d’une rage qui le rendait dangereux.
En quelques bonds, il échappa à la soldatesque et à Aubeline et Bérarde qui
durent abandonner la poursuite. Elles étaient trop lourdement cuirassées pour
soutenir une course sur ce terrain accidenté. Parvenu sur la crête, il cria :
    — Bourrique ! si tu t’en vas parler aux dames, je
te casserai les os puis je te jetterai dans le trou de Maramoye !
    Les menaces portèrent leurs fruits. La paysanne prit peur. Elle
essaya de quitter le groupe.
    — Toi, je te garde près de moi ! lui dit la
comtesse des Baux en la saisissant fermement par la main. Quant à toi, cria-t-elle
à la brute, mon beau crotté, qui sais si bien t’adresser aux femmes, tu ferais
bien de t’enfuir au loin. Mais n’aie crainte, où que tu ailles nous te
retrouverons !
    L’homme éructa une grossièreté et dévala l’autre versant de
la colline. Bérarde avait une furieuse envie de le traquer.
    — Je vais prendre un cheval et vous le ramener.
    Aubeline traduisit.
    — Nous avons tout notre temps, répondit Stéphanie. Et
je le veux entier. Bérarde serait capable de lui couper le nez, les oreilles et
autre chose.
    On conduisit la pauvresse dans le cercle sacré. Elle se mit
à pleurer en voyant Bertrane. Cette dernière demanda un linge et s’employa à
rafraîchir ce visage qui n’avait guère connu que des malheurs. La plupart des
dames connaissaient la malheureuse. Elle s’appelait Dooudina, étrange prénom
qui signifiait « la Choyée ». Il lui avait été donné parce qu’elle
était la première-née d’une famille affranchie trente ans plus tôt. En vérité, elle
le portait mal. Il lui avait attiré toutes sortes d’épreuves dès le jour où
elle avait pris pour époux le grand Germain, l’homme au bâton, bûcheron de son
état, en état d’ivresse permanente.
    — C’est la Dooudina, chuchota Alalète à une demoiselle
d’Entrecasteaux nouvellement engagée. La pauvresse du Latay. Elle fait fausse
couche sur fausse couche. Ça viendrait des coups au ventre que lui donne son
affreux mari.
    Sur ces mots, la grosse dame d’Ongle porta les mains à son
ventre comme si elle voulait protéger les fruits qui avaient poussé à six
reprises. La douleur était collective. La douleur fouaillait les entrailles de
toutes les femmes, qu’elles fussent mères ou vierges. Bertrane était
profondément affectée par ce qu’elle venait d’entendre. L’enfantement était une
épreuve à laquelle elle avait déjà assisté ; l’avortement provoqué par
brutalité était un crime impardonnable. Les hommes présents n’étaient guère à l’aise ;
ils se sentaient fautifs malgré eux. La violence, ce n’était pas un secret, sévissait
dans la plupart des foyers.
    — Mais elle est grosse ! constata avec effroi
Hermissende, la plus sage et la plus retenue des dames.
    Ce fut la consternation. Dooudina était enceinte. Tous les
regards se rivèrent sur la bosse qui gonflait sa chasuble rapiécée. La paysanne
en rougit de honte.
    — C’est pas ma faute, bredouilla-t-elle en croisant ses
mains devant elle. C’est Germain ou ses compagnons… Je sais pas.
    Ce monstre offrait donc son épouse à ses complices de beuveries.
L’écœurement fut général.
    — On sait que tu n’y es pour rien, dit avec compassion
Stéphanie. De combien es-tu grosse ?
    — Cinq ou six lunes… Je sais pas… Je sais pas !
    Dooudina se remit à pleurer. Son visage comme son

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