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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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t’appliques, envieraient
ta rhétorique. J’éprouve moi-même une volupté profonde à m’exprimer devant un
public. Quel plaisir quand les têtes acquiescent et que des airs entendus vous
invitent à poursuivre. Constate-le, j’ai la logorrhée facile et je disserte, je
palabre, je pérore, je philosophe assez bien pour ne rien dire. Pour en revenir
à la question qui nous préoccupe, à savoir qui de Mélisende et de Baudouin a
tort, elle n’est pas de notre compétence. Je vous l’affirme haut et fort :
c’est d’une reine et d’un roi qu’il s’agit ! Et nous ne représentons rien
sur l’échiquier politique pour trancher à un tel niveau. Personnellement, je
crois que cette mère et son fils ne se réconcilieront jamais, soupira-t-elle en
regardant Stéphanie et en pensant à Hugon.
    Le pouvoir dénature les âmes bien nées, le pouvoir détruit l’amour,
le pouvoir est à la source de tous les maux de l’humanité. Oui, la soif du
pouvoir est plus forte que la soif d’amour.
    Les femmes se regardèrent avec surprise. Bertrane venait de
placer le pouvoir au-dessus de l’amour. C’était un constat amer. Jamais de
telles paroles n’avaient été prononcées publiquement. Jausserande eut un rire
nerveux. Les chuchotements coururent et s’amplifièrent. Alors Bertrane leva une
main en signe d’apaisement.
    — Néanmoins, reprit-elle d’une voix ferme, il est des
êtres qui écoutent leur cœur aux heures les plus silencieuses et les plus
sombres, et qui gardent confiance en l’amour. Des gens s’aiment sans
contrepartie, sans calcul ; des chevaliers errants défendent les faibles
et les opprimés, soutiennent les malades, par amour comme le fit Jésus avant d’être
mis en croix. Et ce sentiment est alors infiniment plus fort que ceux qui
conduisent au pouvoir et à la gloire temporelle. Bénis soient ceux qui s’aiment
et triomphent des péchés engendrés dans le tumulte des guerres et des complots.
Quand cette séance s’achèvera, nous rendrons grâce au Seigneur, nous jouerons
pour lui de la harpe à dix cordes. Nous lui chanterons un cantique nouveau, de
tout notre art, nous soutiendrons l’amour par une ovation. L’amour est tout, mes
sœurs. Renvoyons dos à dos Mélisende et Baudouin.
    — Je veux poursuivre ! s’exclama Delphine. Tout n’a
pas été dit loin de là.
    — Il n’y a rien à ajouter, répliqua Bertrane.
    — La cour d’amour gagnerait en prestige si elle
accordait quelque crédit à ce drame qui risque de provoquer l’effondrement du
royaume de Jérusalem et la mainmise des infidèles sur le Saint-Sépulcre. J’exige
un vote.
    Bertrane haussa les épaules. En elle, une force bouillonnait
et les protestations de Delphine ne faisaient que la conforter dans son
raisonnement. Aubeline fut la première à prendre le parti de la dame de Signes
en levant haut la main. Nouvellement promue au rang de juge après ses exploits,
c’était la première fois qu’elle prenait une décision. Elle était la plus
pauvre des nobles, la moins titrée, mais sa voix valait celle de la vicomtesse
d’Avignon. Sa promptitude provoqua une réaction immédiate. Avec une belle
allégresse, les femmes votèrent à l’unanimité pour Bertrane, déclarant l’incompétence
de la cour, et on dicta un message à la princesse Constance et au seigneur de
Tibériade qui, les premiers, avaient alerté les dames de Signes.
    La comtesse de Dye faisait piètre figure. Elle cherchait des
griefs, mais dans le chaos de ses pensées elle ne trouva rien à opposer. Tant
que Bertrane demeurerait intacte et pure, tant qu’elle porterait la couronne de
comtesse de Signes, il serait impossible de la contrer.
    Alors que la plume du secrétaire sous la surveillance du
greffier d’audience, dame Mabille d’Yères, crissait sur le parchemin, on
entendit un cri. Les gardes prirent position autour des pierres levées, armant
leurs arcs de flèches.
    Stéphanie fut la première à réagir.
    — Vous autres avec moi ! ordonna-t-elle en s’adressant
à Aubeline et Bérarde.
    — Je viens aussi !
    Stéphanie eut un œil indifférent pour Alix qui venait de
tirer sa courte épée. Elle ne trouva rien à redire. L’Autrichienne leur emboîta
le pas. Il y eut un second cri pareil à celui d’une bête égorgée. Puis elles
aperçurent une paysanne courant sur le chemin. Elle était suivie de près par un
rustre brandissant un bâton et tentant d’abattre cette arme de fortune sur le
dos de la

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