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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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Quand on lui apporta la jarre, elle
remplit elle-même un gobelet d’argent et le tendit à Alalète.
    — Tiens, bois. Ma pauvre, tu te mets dans un état !
    — Mes chaussures me blessent. Je préférerais habiter
dans le pays des Flandres, on dit qu’il est plat et que l’herbe y est grasse.
    — Mais il y pleut tout le temps.
    — Oh, mes pauvres pieds ! se lamenta Alalète.
    Tous les regards se portèrent avec pudeur sur les chevilles
enflées de la dame d’Ongle et il était étrange de voir comme les prunelles d’Adalarie
montraient à présent de la compassion.
    L’oliveraie était en vue. Les feuilles argentées
tremblotaient dans la brise. Les énigmatiques pierres levées dominaient les arbres.
Sur la plus haute, une main inconnue avait gravé une croix et un poisson. On
avait en quelque sorte baptisé les lieux bien que les forces des anciens cultes
païens fussent encore perceptibles. Une toile bleue tendue entre des piquets
courait au-dessus de la banquette. Une ouverture en perçait le centre. Elle
laissait le passage aux branches d’un olivier majestueux. On racontait qu’il
avait été planté par Jules César en l’honneur de Jupiter après sa victoire sur
Pompée à Marseille. Bertrane l’imaginait plus âgé. Elle l’appelait « l’arbre
du Déluge » et se plaisait à dire que ce symbole de paix était apparu à
Noé en citant la Bible : « La colombe vint à lui, au temps du soir ;
et voici qu’en sa bouche il y avait une feuille d’olivier toute fraîche. Alors
Noé sut que les eaux avaient diminué de dessus de la terre. » Et elle
ajoutait d’un air sérieux : « Et ce fut trois jours plus tard qu’il
aborda la Sainte-Baume. »
    Toutes les dames étaient là avec leur bataillon de suivantes,
de servantes et de porteurs. Escarboucles, bagues, étoiles d’or, perles, bijoux
précieux nouvellement importés d’Orient par les marchands lombards et génois
brillaient aux bras, aux cous et aux oreilles. Une seule, la plus puissante, n’étalait
pas sa richesse. Stéphanie des Baux portait un long bliaud d’homme décoré de l’étoile
aux seize rais d’argent de la maison des Baux. Elle avait planté son épée
devant elle et apprécia la venue d’Aubeline et de Bérarde en armes.
    Bertrane y vit un signe funeste. Stéphanie entretenait un
nombre impressionnant d’espions et gardait pour elle les informations récoltées.
Secrètement, elle poursuivait la lutte contre son fils Hugon et le comte de
Barcelone. Elle la vit sonder les collines étagées en restanques et la
lointaine route qui serpentait vers Cuges et Gémenos. À son tour et une fois de
plus, Bertrane examina attentivement les roches qui s’émiettaient, les
cicatrices des ravines et le vallon couvert de chênaies où se trouvait le
redouté pont du Diable.
    — Allons-nous enfin commencer ?
    Bertrane n’eut pas le temps d’aiguiser ses sens. La voix de
la comtesse de Dye la glaça.
     
    Delphine, la comtesse de Dye, avait lu d’une voix monocorde
et sèche les lettres et les messages en provenance de Judée. Les affaires de la Terre sainte lui revenaient de droit, un droit qu’elle avait façonné en fonction de ses
désirs et de ses prérogatives de doyenne. La plupart des missives exhortaient
la cour à réconcilier la reine régente Mélisende et son fils, le jeune Baudouin III.
Certaines dépeignaient la reine comme une ogresse ivre de pouvoir et le jeune
roi comme un fou de guerre. Il y en avait une qui accusait ouvertement
Mélisende d’avoir fait assassiner son beau-frère Raymond II pour libérer
de l’ennui sa sœur Hodierne. Une autre décrivait la vie à Naplouse, les amours
détestables de la reine et du connétable Manassès de Hierges, haï par toute la
chevalerie franque et provençale. Les descriptions du pays du Christ avaient de
quoi écœurer les plus endurcis. À Acre, à Tripoli et dans les ports principaux
tenus par les marchands, débarquaient chaque jour des prostituées et des
aventuriers en quête de pillages. Les villes regorgeaient de voleurs, de
coupe-jarrets ; les nobles possédant des terres vivaient dans la paresse
au milieu de leur harem de femmes africaines, persanes, arabes et turques. Quelques-uns
s’étaient associés avec le Vieux de la Montagne au Liban, lequel planifiait soigneusement les assassinats commandités par ces hommes qui ne juraient que par
le Christ et donnaient le bon exemple en se rendant régulièrement à la messe.
    Que

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