Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
habituées
à la misère des paysans qu’elles côtoyaient journellement à Meynarguette, ne
montrèrent aucun signe de dégoût. Pourtant, à bien le regarder, Germain avait
un réel besoin de se nettoyer le visage avec les chastes nuages accrochés à la Sainte-Baume et l’eau pure des sources jaillissant de la montagne sacrée. Quant à son âme… elle
puait à dix mille lieues à la ronde.
    — Sagouine ! je vais te trancher le cou !
    Germain s’était adressé à sa femme comme si les trois autres
n’existaient pas. Il montra son intention en s’emparant d’une hache au manche
courbe. Il la fit tournoyer en fixant sur Dooudina ses yeux injectés de sang. La
pauvresse tremblait de tous ses membres. Elle se réfugia derrière Aubeline qui
lança :
    — Pas de quartier !
    Ces mots n’étaient pas adaptés à la situation. La fille du
templier ne demandait pas moins que la mort du bûcheron. Stéphanie n’avait
nulle intention de la donner. Elle devait ramener le coupable devant la cour. Elle
arrêta la Burgonde qui fonçait, tel un taureau.
    — Laisse-moi ce chien galeux !
    Elle aurait cependant voulu tuer cet homme. La répulsion et
la haine alimentaient une rage qu’elle avait du mal à maîtriser. Son épée même
semblait vouloir boire le sang de ce barbare qui les défiait.
    Germain eut un ricanement quand il vit s’avancer la comtesse
des Baux. Une femme n’était pas de taille à se mesurer à un homme. Celle-là
avait la chevelure grisonnante et une charpente de dentellière. Il allait l’abattre
comme un arbrisseau. Sa hache étincela sous les rayons avant de rencontrer l’acier
de l’épée. La parade le surprit. Il ne se découragea pas. Il avait l’habitude
de cogner. Les troncs qu’il taillait pliaient.
    Pas la dame à l’Etoile.
    Il s’énerva. Il ne parvenait pas à trouver une brèche. Il
arrachait parfois des étincelles à la lame. Il s’acharna. Il n’aurait pas dû
boire. Il manquait de vitesse et il se fatiguait. Peu à peu, il recula. Il ne
considérait plus la comtesse comme un arbrisseau. Il y avait aussi les deux
autres qui rongeaient leur frein et semblaient ne désirer qu’une chose : le
découper en morceaux. Ces trois femelles étaient des anges vengeurs descendus
du ciel. Ce n’était pas possible. Eve avait trahi Adam. La femme était le péché
incarné.
    — Tu n’es qu’une sale putain ! haleta-t-il.
    Stéphanie en perdit le sens du devoir. Elle ne le ramènerait
pas devant la cour ; il n’avait pas droit à un procès. Guidée par la
fureur, elle arrêta la sentence. Quand elle jugea que le moment était arrivé, elle
balaya la cognée d’un large revers, puis se fendit. La lame troua la camisole, pénétra
les chairs jusqu’au cœur.
    Alors qu’une rosée rougeâtre s’échappait de sa bouche, Germain
lâcha sa hache, tournilla sous le regard sans pitié de Stéphanie et s’écroula. Il
y eut un cri. Aubeline et Bérarde furent surprises par la réaction de Dooudina.
Pas Stéphanie.
    — Vous me l’avez tué ! Vous me l’avez tué !
    S’arrachant à la protection d’Aubeline, elle courut vers la
dépouille de son époux et couvrit son visage de ses larmes. Bertrane et ses
compagnes arrivèrent à cet instant. La dame de Signes prit un air navré ;elle regrettait que Germain n’ait pas été jugé selon les lois en vigueur à
Signes. Elle n’en fit pas cependant reproche à Stéphanie.
    — Quand on laisse vivre les hommes comme des bêtes, ils
se comportent comme des bêtes, souligna Alix alors que les bûcherons, leurs
femmes et leurs enfants s’attroupaient près de la cabane de Germain et de
Dooudina.
    — Ce que dit Alix est vrai, ajouta Aubeline. Faisons en
sorte que cette mort ne soit pas inutile. Notre devoir, je le comprends à
présent, n’est pas de venir en aide à Mélisende et Baudouin, mais à nos paysans.
Faire des heureux sur cette belle terre de Provence est de notre compétence. Nobles
dames, engageons-nous à soulager la misère, engageons-nous à éduquer les plus
démunis, engageons-nous comme l’exigent les dix commandements et les saints Évangiles,
et le Seigneur qui nous voit et nous écoute en ce moment même nous en saura gré.
    C’étaient de belles paroles, mais elles n’atteignirent pas
le cœur de Dooudina. Elles avaient été tant et tant de fois répétées en d’autres
temps et sous d’autres latitudes qu’on les oublierait aussi vite que la caresse
de la brise qui les emportait.

Weitere Kostenlose Bücher