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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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nombreuses années de loyaux services. La bête avait une force
incroyable. Galoper des heures, escalader des falaises, franchir des torrents
furieux, supporter des chocs dans les batailles, traverser des feux, rien ne l’arrêtait.
Le destrier dressa l’oreille ; le maître lui parlait. Entre eux, pas de
mensonges, ils étaient complices. Ils avaient connu la même peur récemment dans
la ruine d’une cité antique peuplée de fantômes. Ce pays portait les marques de
centaines de guerres, les balafres d’un millier d’invasions. Tous les grands de
l’Histoire s’y étaient un jour affrontés. Jean repéra les colonnes d’un temple
livré au sable et s’interrogea une fois de plus sur le sens de l’Histoire, sur
la violence engendrée par les religions et par l’appétit de pouvoir des hommes.
    Comment expliquer qu’une guerre était juste ? Sa guerre,
sa croisade, son idéal lui paraissaient justes. Les Turcs et les Arabes n’étaient
pas ses prochains mais les serviteurs d’un démon qui se faisait passer pour
Dieu. Leur religion était dangereuse pour l’humanité. Il se devait de les tuer,
d’en tuer au maximum, jusqu’à la limite de ses forces. Avec des raisonnements
simplistes, il se forgeait l’âme d’un preux.
    À cet instant, une pensée l’effleura. Quelqu’un l’appelait ;
il eut la certitude que c’était une femme à des milliers de lieues de lui. Puis
il pesta contre le soleil. L’astre lui ramollissait la cervelle. Ça commençait
avec des voix et ça continuait par des visions. Nombreux étaient ceux qui
étaient devenus fous sur les routes de Jérusalem et qu’on avait découverts
morts de soif dans les déserts.
    — Allons ! cria-t-il. Trouvons notre prince.
     
    Le prince, ils le trouvèrent quinze jours plus tard, le 29
juin 1149, à Fons Murez.
    — Ils sont là ! dit-il à Hercule.
    Jean fut partagé entre la joie et la peine à la vue de tous
les pennons oscillant au-dessus des têtes casquées des piqueurs francs couverts
de boucliers, des archers ismaéliens empanachés de plumes. Ils étaient mille
quatre cents. Une armée dérisoire. Une lieue avant, Jean avait traversé les
lignes des coalisés turcs menés par le prince d’Alep, Nur al-Din. Une nuée de
sauterelles. Les infidèles étaient au moins trente-cinq mille.
    Jean caressa l’encolure de son cheval.
    — Je crois que Dieu nous recevra bellement dans Son
palais avant le crépuscule. Te sens-tu l’âme légère, mon beau ?
    Hercule frissonna. Il avait compris. Quand l’homme le fit
avancer vers les troupes chrétiennes, son cœur battit comme un tambour.
    Le prince d’Antioche redressa sa haute stature. Raymond
était un géant. Il dominait d’une tête tous les chevaliers de sa suite.
    — Qui nous vient là ? s’étonna-t-il.
    Il vit le bouclier frappé de la croix émergeant des flammes
et cela lui rappela quelque chose de désagréable. Quand Jean se présenta, son
sang bouillonna. Raymond avait en face de lui l’infâme brigand qui lui avait
ravi Eléonore et qui l’avait ridiculisé.
    — Qu’on s’empare de lui et qu’on lui tranche la tête
sur-le-champ ! hurla-t-il.
    — Tu auras besoin de mon épée, messire, dit Jean avec
calme.
    — Que vaut-elle entre les mains d’un chien ?
    — Elle vaut au moins vingt cimeterres turcs et plus
encore d’épées arabes. Vous êtes à peine plus de mille et ils sont des dizaines
de milliers ! clama Jean en contemplant les seigneurs et leurs chevaliers.
Laissez-moi combattre à vos côtés et si Dieu nous prête vie après la bataille, alors
vous pourrez disposer de ma tête comme bon vous semble.
    Raymond l’observa longuement. Ce chevalier provençal paraissait
sincère et courageux.
    — Quel combat ce sera ! s’exclama soudain le
prince. Quels martyrs nous ferons ! Reste auprès de moi, chevalier, nous
réglerons ce différend au paradis ! Ton nom ?
    — Jean d’Agnis de Signes.
    — Voici mes ordres, Jean. Et cela vaut pour tout le
monde : éborgné, écorche, étripe ! Que cette terre ingrate boive les
augées de sang que nous répandrons. Mes seigneurs, que Dieu nous protège !
    Les deux lieutenants qui l’encadraient, Renaud de Marash et
Etienne de Melun, acquiescèrent.
    — Prions ! commanda alors Raymond.
    Il repoussa la capuche de mailles qui recouvrait son crâne. Son
visage avait la patine d’un vieux bronze, avec des traînées plus claires là où
des cicatrices rappelaient sa dure vie

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