La Flèche noire
en savoir le vrai but. Il en fut ainsi de moi. J’ai conduit votre père à la mort ; mais, comme le ciel nous voit dans ce lieu saint, je ne savais ce que je faisais.
– Cela peut être, répliqua Dick. Mais voyez quel étrange réseau vous avez tissé, puisque je suis en ce moment à la fois votre prisonnier et votre juge ; que vous devez à la fois menacer mes jours et conjurer ma colère. Il me semble que, si vous aviez ététoute votre vie un homme loyal et un bon prêtre, vous ne m’auriez ni craint ainsi, ni détesté ainsi. Et maintenant, à vos prières. Je vous obéis, puisqu’il le faut ; mais je ne veux pas du fardeau de votre compagnie.
Le prêtre émit un soupir, si profond qu’il eût presque éveillé chez le jeune homme quelque sentiment de pitié, et il inclina la tête dans ses mains comme un homme courbé sous le poids des soucis. Il cessa d’unir sa voix aux psaumes, mais Dick pouvait entendre les grains du chapelet glissant entre ses doigts, et les prières marmottées entre ses dents.
Encore un instant, et le gris du matin commença à percer à travers les vitraux peints de l’église, et à faire honte à la lumière des cierges. Le jour lentement grandit et brilla, et maintenant par les baies du sud-ouest un flot vermeil de lumière dansa sur les murs. La tempête était passée, les grands nuages s’étaient déchargés de leur neige et s’étaient éloignés, et le jour nouveau s’ouvrait sur un joyeux paysage d’hiver sous un blanc manteau.
Un bruit de serviteurs d’église suivit. La bière fut portée à la maison mortuaire, les carreaux furent lavés des taches de sang, afin qu’un spectacle de si mauvais présage ne pût déparer le mariage de Lord Shoreby. En même temps, les mêmes ecclésiastiques qui avaient été occupés toute la nuit si lugubrement, commencèrent à prendre leurs figures de fête pour faire honneur à la cérémonie plus gaie qui allait suivre. Et pour mieux annoncer la venue du jour, les gens pieux de la ville commencèrent à arriver et à faire leurs dévotions à leurs autels préférés ou attendre leur tour aux confessionnaux. À la faveur de ce remue-ménage, il était facile d’éviter la vigilance des sentinelles de Sir Daniel à la porte et bientôt, Dick, regardant avec lassitude autour de lui, rencontra l’œil de Will Lawless, toujours dans sa robe de moine.
L’outlaw au même moment reconnut son chef, et, discrètement, lui fit signe de l’œil et de la main.
Dick était loin d’avoir pardonné au vieux coquin son ivresse des plus intempestives, mais il n’avait aucun désir de l’entraîner dans sa propre détresse et il lui fit signe, aussi clairement qu’il lui fut possible, de s’en aller.
Lawless, comme s’il eût compris, disparut aussitôt derrière un pilier, et Dick respira.
Quel fut alors son désappointement de se sentir tirer par une manche et de voir le vieux voleur installé, à côté de lui, sur le siège le plus proche, et en apparence plongé dans ses dévotions.
Immédiatement Sir Olivier quitta sa place, et, glissant derrière les stalles, rejoignit les soldats dans l’aile. Si les soupçons du prêtre avaient été éveillés pour si peu, le mal était fait, et Lawless prisonnier dans l’église.
– Ne bougez pas, murmura Dick. Nous sommes dans la plus mauvaise passe, grâce, avant tout, à ta goujaterie d’hier soir. Quand vous m’avez vu si étrangement assis là, où je n’ai ni droit ni intérêt, que diable, ne pouviez-vous flairer le danger, et vous sortir de là ?
– Non, répliqua Lawless, je pensais que vous aviez entendu parler d’Ellis, et que vous aviez de la besogne ici.
– Ellis ! répéta Dick. Ellis est-il de retour ?
– Pour sûr, répliqua l’outlaw. Il est revenu la nuit dernière et m’a donné une forte raclée parce que j’avais bu… si bien que vous êtes vengé, mon maître. C’est un fameux homme qu’Ellis Duckworth ! Il a galopé à bride abattue depuis Craven pour empêcher le mariage, et, maître Dick, vous connaissez sa manière… il l’empêchera !
– Eh bien ! alors, répliqua Dick tranquillement, vous et moi, mon pauvre frère, sommes deux hommes morts ; car je suis ici prisonnier comme suspect, et ma tête répond de ce mariage qu’il se propose de troubler. J’ai un joli choix, par la croix ! perdre ma fiancée ou la vie ! Eh bien le dé est jeté… ce sera la vie.
– Par la messe, cria
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