La Flèche noire
Lawless, se levant à demi, je suis fini !
Mais Dick lui mit vite la main sur l’épaule.
– Ami Lawless, restez tranquille, dit-il. Si vous avez des yeux, regardez là-bas, dans le coin, près de l’arceau du sanctuaire, ne voyez-vous pas qu’à votre simple mouvement pour vous lever les hommes d’armes, là-bas, sont debout, et prêts à vous arrêter ? Rendez-vous aussi, ami. Vous étiez brave sur le navire quand vous croyiez mourir comme un marin ; soyez brave encore maintenant que vous allez mourir bientôt sur le gibet.
– Maître Dick, dit Lawless haletant. La chose est venue sur moi un peu soudainement, mais donnez-moi le temps de reprendre haleine et j’aurai le cœur aussi hardi que vous.
– Voilà mon brave compagnon ! répliqua Dick. Et cependant, Lawless, c’est bien à contre-cœur que je meurs, mais gémir ne sert à rien, pourquoi gémir ?
– C’est sûr, approuva Lawless, et une nique à la mort, au pis ! Cela doit arriver, maître, tôt ou tard ; être pendu pour une bonne cause est une mort douce, dit-on, quoique je n’ai jamais entendu dire qu’il en soit revenu un pour le raconter.
Et, là-dessus, le solide vieil outlaw se renfonça dans sa stalle, croisa les bras, et se mit à regarder autour de lui avec un air de parfaite insolence et indifférence.
– Et quant à ça, ajouta Dick, ce que nous avons de mieux à faire est de rester tranquilles. Nous ne savons pas encore ce que veut faire Duckworth, et quand tout sera dit, même au pis, nous pourrons peut-être nous échapper.
Quand ils eurent cessé de parler, ils perçurent les légers et lointains accords d’une musique joyeuse qui, peu à peu, approchait et grandissait, toujours plus gaie. Les cloches de la tour se mirent à sonner un double carillon, et des gens, de plus en plus nombreux, encombrèrent l’église, secouant la neige de leurs pieds, se frottant les mains et soufflant sur leurs doigts. La porte de l’ouest fut ouverte toute grande, laissant voir la rue tout ensoleillée sous la neige et donnant accès à une grande bouffée d’air vif du matin ; bref, tout indiquait évidemment que Lord Shoreby désirait se marier de très bonne heure et que le cortège nuptial s’avançait.
Quelques-uns des hommes de Lord Shoreby ouvrirent un passage dans la nef en repoussant les gens avec le bois des lances ; et, à ce moment, on put apercevoir en dehors du portail les musiciens laïques, qui arrivaient sur la neige gelée, les fifres et les trompettes la figure écarlate à force de souffler, les tambours et les cymbales tapant à qui mieux mieux.
Arrivés près de l’entrée de l’édifice sacré, ils se séparèrent en deux files de chaque côté, et restèrent debout dans la neige, marquant le pas pour battre la mesure de leur bruyante musique. Au moment où ils ouvrirent ainsi leurs rangs, les conducteurs de ce noble cortège apparurent au milieu derrière eux, et telle était la variété et la gaieté de leur accoutrement, tel était le déploiement de soie et velours, fourrures et satins, broderies et dentelles, que la procession paraissait sur la neige comme un parterre de fleurs dans un sentier, ou un vitrail sur un mur.
D’abord venait la fiancée, triste spectacle, pâle comme l’hiver, accrochée au bras de Sir Daniel, et escortée comme demoiselle d’honneur par la jeune petite dame qui avait protégé Dick la nuit précédente. Tout près, derrière, dans la plus brillante, toilette, suivait le fiancé, clochant sur un pied goutteux, et lorsqu’il passa le seuil de l’édifice sacré, il ôta son chapeau, et on put voir que sa tête chauve était rose d’émotion.
Et alors vint l’heure d’Ellis Duckworth.
Dick, qui était assis pétrifié par des émotions contraires, la main crispée sur le pupitre devant lui, remarqua un mouvement dans la foule des gens qui se bousculaient en arrière, des yeux et des bras levés. Suivant ces signes, il vit trois ou quatre hommes avec des arcs bandés, qui se penchaient à la galerie des chantres. Au même moment, ils lancèrent leur décharge, et avant que les clameurs et les cris de la populace épouvantée eussent le temps d’élever leur bourdonnement, ils s’étaient envolés de leurs perchoirs et avaient disparu.
La nef était pleine de têtes se balançant et de voix clamant. Les prêtres, terrifiés, accoururent en foule, quittant leurs places, la musique cessa, et, quoique les cloches au-dessus continuèrent
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