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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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la famille Bromberg. Marc Monod m’écoute, un bon sourire aux lèvres.
    « Et dire que je ne savais pas moi-même, jusqu’à maintenant, que René Raoul avait été aussi actif !
    — C’est extraordinaire, parce que vous vous connaissez bien : vous étiez son médecin, vous vous rencontriez souvent… et vous ignoriez, chacun de vous, que l’autre… ?
    — Oui ! C’était très important ! L’organisation de tout cela devait rester cloisonnée pour courir le moins de risques possible. Je crois que ce cloisonnement était même assez remarquable.
    — Qui y avait-il d’autre, au Malzieu, que vous connaissez pour avoir aidé des Juifs ?
    — Il y avait M. Souchon, l’instituteur. Il y avait les Pagès, l’hôtelier Pagès qui les a beaucoup aidés, qui les a reçus chez lui…
    — Comment se déroulait cette aide aux Juifs venus se réfugier au Malzieu ?
    — Ils étaient une centaine environ, répartis dans tout le canton, au Malzieu et autour, dispersés dans les fermes et les hameaux du Malzieu.
    — Pour combien d’habitants ? Huit cents, neuf cents ?
    — Oui.
    — Mais ils représentaient plus de dix pour cent de la population ! Le seuil de tolérance n’était-il pas dépassé ?… »
    Jacqueline et Marc Monod rient.
    « Au Malzieu, la population les a aidés, seuil de tolérance ou pas !
    — Quels étaient vos rapports avec eux ?
    — D’abord, comme médecin, je les soignais gratis, parce que je savais que leurs ressources étaient limitées. En fait, ils vivaient, ils survivaient très pauvrement. Mais tout se passait plutôt bien, dans une bonne ambiance, jusqu’à la rafle de 1943.
    — Le pasteur Gourdon n’avait-il pas ses entrées à la préfecture ? Ne vous avait-il pas prévenus de l’imminence de la rafle ?
    — Si. Auparavant, il nous avait donné cette consigne : “ Si je vous télégraphie que le paquet est arrivé , cela signifiera qu’il y aura une rafle. Vous pourrez prévenir les Juifs et les cacher. ” C’est ce qui s’est passé : nous avons reçu ce télégramme. Mais le père Gourdon a été obligé d’en envoyer plusieurs, à huit endroits différents. La censure s’est méfiée, et la rafle a été remise au surlendemain. Les Juifs du Malzieu, qui s’étaient cachés, ont voulu revenir au village, voyant que rien ne se produisait. Et la rafle est arrivée à ce moment-là… »
    Jacqueline Monod intervient :
    « Ça aurait pu être dramatique si cette rafle avait eu lieu deux jours plus tard, parce que, ce jour-là, n’est-ce pas, les policiers – des Français, des policiers français ! – n’ont guère pu trouver que deux ou trois personnes.
    — Deux, et ils ont pu s’échapper ! précise son mari, qui lui demande de raconter cette histoire à laquelle ils ont tous les deux participé.
    — L’un de ces deux Juifs, alors qu’il se trouvait au village, a appris que la police était à deux pas et venait l’arrêter. Il s’est aussitôt mis au lit et nous a fait venir, mon mari et moi, pour qu’on lui fasse un certificat de maladie le déclarant intransportable. Toutes les femmes de l’immeuble, ainsi que les voisines, étaient là. Elles montaient la garde autour du lit. Un jeune gendarme surveillait la chambre. Sur un signal, les femmes ont bondi toutes griffes dehors sur le gendarme, et le Juif s’est éclipsé, il s’est échappé à toute allure alors que mon mari était en train de rédiger ce certificat le déclarant intransportable !»
    Le couple Monod rit de bon coeur à l’évocation de cette scène, même si ses prolongements n’allèrent pas sans inquiétude.
    « Notre fugitif s’est bien caché. La police l’a cherché partout sans jamais le trouver… Mais ça nous a valu pas mal d’ennuis, des menaces, des sous-entendus au téléphone. Et par exemple, peu après, mon mari a reçu un coup de fil en provenance de Marvejols, où un type furieux le sommait de s’expliquer sur les faits, sur cet impotent qui courait si vite !…
    — Ce qui était bizarre, reprend Marc Monod, c’est que j’avais l’impression que mon correspondant téléphonique se forçait à paraître furieux…
    — Aviez-vous peur ?»
    Jacqueline Monod laisse fuser une exclamation. Oui, elle avait peur. Son mari hésite :
    « Peur ? Ma femme avait peur. Moi… j’étais si occupé que je n’avais pas le temps d’avoir peur ! C’était ce que je me disais… Mais enfin, oui, nous avions peur. À la maison,

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