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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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Français à la solde de l’Allemagne ! On ne savait même plus si on devait faire confiance à qui que ce soit. C’est pour ça que, lorsque j’ai vu ma mère partir avec cet agent, je me suis dit : “ Ce n’est pas possible, ce n’est pas vrai, cette histoire : elle ne va jamais revenir ! ” Mais l’agent n’avait pas menti. Elle est revenue. J’ai compris qu’il y avait quand même des gens de coeur. Des gens qui devaient eux-mêmes être parents, avoir des enfants, qui ont dû voir leur détresse… C’est une période de la vie qu’on ne peut pas oublier !»

49.
    Léa Radacz non plus ne peut pas oublier ces rafles des 16 et 17 juillet 1942, désignées sous le nom de code administratif de « vent printanier », organisées et exécutées par la police française, qui, en déployant environ neuf cents équipes, a arrêté ces jours-là 12 884 Juifs, dont 4051 enfants.
    Visage ovale, cheveux coupés court, souci de rattraper au plus précis les souvenirs de l’époque : Léa Radacz, à la suite de mes questions, évoque cette période :
    « Pendant l’Occupation, dit-elle, nous nous sommes retrouvés dans ce village de Lozère : Le Malzieu-Ville, près de Mende. C’était en 1942, après la rafle du 16 juillet 1942 à Paris, où nous habitions. J’avais quatorze ans. Mes parents avaient des connaissances, des amis là-bas, du côté de Saint-Chély-d’Apcher.
    — Combien étiez-vous ?
    — Nous étions à peu près une centaine de Juifs.
    — Sur combien d’habitants ?
    — Sur neuf cents, en comptant les petits hameaux autour du Malzieu – petits hameaux où nous allions d’ailleurs nous ravitailler.
    — Et personne ne vous a dénoncés ?
    — Non. Tout le village a participé.
    — Outre les frais de logement, avez-vous remis de l’argent aux familles qui vous hébergeaient ?
    — Non, non. Nous n’avons jamais essayé de les soudoyer.
    — Cent Juifs dans un village de neuf cents habitants ne pouvaient pourtant guère passer inaperçus !
    — C’est vrai. Il a fallu la solidarité de tous, une solidarité sans la moindre faille ! D’ailleurs, vous savez, quand nous sommes revenus après la guerre, nous avons été reçus au Malzieu comme des gens du pays, comme des membres de la famille… »
     
    C’est un concert de clochettes qui m’accueille aux abords du village. Sur cette route de campagne étroite et sinueuse, bordée de murets de vieille pierre moussue qui semblent soutenir les prés et les bois, la voiture doit soudain rengainer toute prétention à rouler davantage : il faut stopper pour que passent les moutons. Ils sont plusieurs centaines, agglutinés, bêlant, se bousculant un peu, qui occupent tout le passage, harcelés par les chiens et guidés par un jeune homme peu pressé. Lorsque enfin tout le troupeau disparaît, je découvre que nous sommes pratiquement arrivés. Un panneau indicateur pointe une flèche et un nom : Le Malzieu. Je franchis la porte principale de l’enceinte de la vieille ville, d’aspect médiéval. Sur la traditionnelle place centrale, une non moins traditionnelle fontaine laisse couler une eau claire. Sous un haut porche, la vitrine d’un magasin de chaussures : c’est là que je vais. M. René Raoul, cordonnier au Malzieu, m’attend.
    Le visage long, un haut front dégarni qu’encadrent des cheveux blancs, il me reçoit avec gentillesse. Sa parole, que rehausse le léger accent local, dévoile sa bonhomie. René Raoul est catholique – de ces catholiques pour lesquels sauver des Juifs constituait une évidente nécessité dans cette période dominée par la haine.
    « À partir de quand, lui demandé-je, les premiers Juifs sont-ils arrivés ici ?
    — Difficile à dire. D’abord est arrivé un certain M. Kuper. Je ne me souviens plus d’où il venait. Il était très âgé. C’était avant que nous ne soyons occupés par les Allemands, ici, en zone Sud. M. Kuper habitait sur la route du Puy ; il a, hélas, été pris et déporté. Il n’en est pas revenu… C’est ensuite que les autres Juifs sont arrivés au Malzieu. Les Polonais étaient les plus nombreux. Parmi eux, il y avait les familles Radacz, Bromberg, etc. Il y avait aussi un Hongrois et un Hollandais qui était diamantaire. Il y avait aussi d’autres familles, mais je me souviens mieux, ça va de soi, des gens dont je m’occupais.
    — Qui étaient-ils ?
    — La famille Radacz, bien sûr. Mon père les logeait dans la villa que ma

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