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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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enfants et la complicité silencieuse des voisins (parfois de tout un immeuble), je suis une fois de plus en face d’un réseau de solidarité improvisé mais sans faille : discret, efficace, et comme allant de soi. Non, tous les Polonais n’ont pas pu être antisémites ou indifférents à la tragédie juive…
    Je questionne Zofia Doboszynska :
    « Madame, vous êtes de confession évangéliste, votre premier mari était catholique, le second aussi – et, vos deux maris et vous, vous avez sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ?
    — S’il s’agit de mon premier mari, il voulait m’aider. Il m’aimait. Il m’avait perdue en tant que femme, mais il m’aimait beaucoup et il croyait qu’il fallait me venir en aide, que le danger était énorme – et il m’a aidée ! Il a caché chez lui, pendant plus de deux ans, une femme juive avec son enfant parce que je le lui avais demandé. Cette femme est aujourd’hui au Canada, où elle est allée rejoindre son frère. Elle s’en est très bien sortie. Un jour, j’ai reçu un petit cadeau de là-bas : de la soie, qu’elle m’envoyait avec une lettre pour me dire qu’elle n’a jamais oublié qu’à l’origine c’est moi qui leur avais sauvé la vie, à elle et à son enfant… »
    J’écoute Zofia Doboszynska, je la regarde parler. Elle devait être très belle, à l’époque où deux hommes l’aimaient. Aujourd’hui, dans son appartement aux abat-jour tamisés, au centre d’un décor douillet, paisible, elle évoque la situation avec un détachement amusé. Mais cette distance est feinte : en vérité, elle savoure aujourd’hui encore cet amour, mué en une sorte de respect inconditionnel, que continuait de lui vouer son ex-mari. Cette femme a été beaucoup aimée, et ceux qui l’aimaient lui restaient fidèles en esprit. Cette fidélité, cette solidarité de l’ancien époux ont permis le sauvetage de deux êtres.
    « Et votre second mari ? Pourquoi a-t-il aidé des Juifs ? Le premier, c’était parce qu’il vous aimait – et le second ?
    — Mon second mari croyait qu’il fallait le faire, qu’il fallait s’opposer à tous les ordres de Hitler. Nous haïssions cet homme. Tout le temps, tous les deux, nous avons prié Dieu que quelqu’un tue Hitler, qu’une bombe soit jetée sur Hitler. Cet homme, Hitler, est décédé d’une façon si terrible… N’insistons pas. »
    Le visage de Zofia Doboszynska rayonne. Il n’y a pourtant aucune dureté dans son regard. Seulement une claire détermination. En parlant, elle a secoué plusieurs fois la tête pour appuyer son propos. La masse ondulée de sa coiffure a frémi, puis, le visage immobile et bien droit, Zofia s’est attendrie : « Je dois vous dire que je n’ai personne au monde qui me soit plus cher ni plus proche que cette petite fille juive que j’ai sauvée du Ghetto alors qu’elle avait cinq ans… Du reste, aujourd’hui, nous sommes très liés, elle, sa famille et moi. Quand il y a une fête chez eux, Pâques ou le jour de l’an, chaque fois je suis invitée. »
    Elle me tend une photo où je la reconnais, flanquée de deux gamines.
    « Ça date de 1990, précise-t-elle. C’est moi, avec les petits-enfants de ma fillette du Ghetto !
    — Comment avez-vous pu arracher cette enfant au Ghetto ?
    — Je l’ai sortie, à pied, en la tenant par la main – et sa tante avec elle ! Mon mari a aussi fait sortir du Ghetto une femme que je voulais sauver à tout prix : la mère de cette petite fille. Le père, la mère et la fille ont pu ensuite être hébergés. Mon mari, catholique fervent (moi, je suis évangéliste), a su trouver un couvent pour recueillir la petite. Restait la tante, avec sa tête sémite et son accent bizarre, qui baragouinait le polonais plus qu’elle ne le parlait… En fait, son accent était lituanien, pour la bonne raison qu’elle était originaire de Lituanie ; mais, pour les gens d’ici, ça sonnait comme un accent encore plus “ juif ”. Personne ne voulait courir le risque de se charger d’elle. Bon. Nous l’avons prise chez nous, dans le quartier de Praga, rue Radzyminska. Nous habitions un immeuble où ne vivaient que des ouvriers. Elle s’est mise à discuter, dans son langage à elle, avec tous les voisins. Chacun a vite été au courant. Eh bien, elle est restée pendant toute l’Occupation, protégée par tous les habitants de l’immeuble !
    — Pourtant, tous couraient un grand

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